Joe Arpaio exprime son soutien à Donald Trump, en janvier 2016, à Phoenix (Arizona). / Mary Altaffer / AP

Il s’autoproclame « shérif le plus dur d’Amérique ». Joe Arpaio, 85 ans, est devenu une des incarnations de la ligne dure anti-immigration. Shérif en Arizona pendant vingt-quatre ans, il a été reconnu coupable, le 31 juillet, d’avoir mis en place des patrouilles racistes et enfreint les droits constitutionnels de plusieurs centaines de milliers de latinos. Il risque jusqu’à six mois de prison. Son procès en appel devrait se tenir début octobre.

S’il était condamné, Donald Trump pourrait lui accorder la grâce présidentielle. Joe Arpaio avait déjà été mis en garde par la justice en 2011 lorsqu’un juge fédéral lui sommait de cesser ses agissements.

En 2007, sous George W. Bush, les services d’immigration et de douanes des Etats-Unis donnent compétence aux autorités locales pour expulser les immigrés clandestins. Joe Arpaio s’en saisit, alors que 50 % des migrants qui arrivent sur le territoire américain transitent par l’Arizona. En deux ans, il expulse 33 000 personnes. Année après année, il fait de l’immigration illégale son cheval de bataille, en n’hésitant pas à enfreindre la loi.

Enquête fédérale

Lorsque Barack Obama arrive au pouvoir, en 2009, le département de la justice ouvre une enquête sur « ses pratiques discriminatoires et ses perquisitions et saisies inconstitutionnelles ». Deux ans plus tard, le rapport est accablant et l’un des auteurs de l’enquête parle « du profilage racial le plus flagrant jamais vu dans le pays ». Dans son périmètre d’action, les conducteurs latinos sont neuf fois plus susceptibles d’être arrêtés par la police. Le document parle notamment d’une opération des services de l’immigration lancée à Sun City, après qu’un client a adressé au shérif une lettre dans laquelle il se plaignait que les employés du McDonald’s de la ville ne parlent pas anglais.

Encourageant ses services à contrôler chaque individu dont ils pourraient soupçonner la clandestinité, il avait pour habitude d’enfermer préventivement des personnes sans aucune preuve qu’ils avaient enfreint une loi. Ces violations des droits constitutionnels sont dénoncées depuis de nombreuses années par des groupes de défense des minorités, dont la très influente American Civil Liberties Union.

Traitements inhumains dans les prisons

Arpaio se vante également de la gestion de ses prisons. Dans l’une d’elles, créée en 1993, les détenus dorment sous des tentes, montées dans le désert, où les températures dépassent allègrement le 54 °C et chutent en hiver à 5 °C – Tent City, un centre de détention à ciel ouvert, supposé être temporaire, que les touristes pouvaient visiter, et qu’il avait lui-même qualifié de « camp de concentration ».

Jusqu’à 1 700 personnes y sont enfermées dans les années 1990, puis après 2009, jusqu’à 200 immigrés clandestins. Dans tous les établissements pénitentiaires de son comté, seuls deux repas sont servis par jour, petit-déjeuner et dîner. Le shérif affirme que le coût pour la collectivité est ainsi plus faible. Humiliés, les condamnés sont obligés de porter des sous-vêtements roses et des tenues rayées de bagnard.

Les chain gangs (groupes de prisonniers enchaînés ensemble) ont été réinstaurés pendant les travaux physiques. Il a en outre été accusé de négligence médicale dans plusieurs prisons. Par ailleurs, des agences indépendantes ont démontré que ses services n’étaient pas parvenus à mener à bien plus de quatre cents affaires de crimes sexuels.

Aux critiques soulignant les traitements inhumains, il rétorque : « You do the crime, you do the time » (« Vous commettez un crime, vous purgez votre peine »).

Elu six fois, battu en 2016

Après avoir été élu six fois à la tête des autorités de police, la première condamnation de Joe Arpaio est venue des urnes en novembre 2016 : son adversaire démocrate Paul Penzone lui a ravi le poste – au dernier scrutin, les latinos représentaient 20 % des électeurs.

Il a également été un fervent défenseur de la théorie conspirationniste des « birthers », qui affirme que Barack Obama est originaire du Kenya, comme Donald Trump la défendait lui-même avant sa candidature à la présidentielle. Joe Arpaio était allé jusqu’à demander un certificat de naissance à Honolulu. En décembre dernier, lors d’une réunion du Tea Party, il avait affirmé « être toujours sur l’affaire ».

Lundi 14 août, le président a annoncé « réfléchir sérieusement » à gracier le « grand patriote américain qui a protégé les gens contre les crimes et sauvé des vies. » Ajoutant qu’« il ne mérite pas d’être traité ainsi ».