Un Angolais arborant le drapeau du parti d’opposition l’Unita à Luanda, le 21 août. / MARCO LONGARI / AFP

Qui remplacera José Eduardo dos Santos, à la tête de l’Angola depuis trente-huit ans ? Les Angolais votent, mercredi 23 août, pour choisir son successeur, après près de quarante ans de règne autoritaire à la tête d’un pays secoué par une grave crise économique. Les bureaux de vote sont ouverts toute la journée, et les résultats devraient être connus demain. Selon la Constitution, la tête de liste du parti vainqueur sera investie chef de l’Etat.

Mais l’issue du scrutin ne fait que peu de doute. Au pouvoir depuis l’indépendance arrachée au Portugal en 1975, le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA) devrait l’emporter une nouvelle fois. Usé par la maladie, M. dos Santos, 74 ans, a publiquement adoubé son successeur lors du dernier rassemblement de campagne de son parti : il s’agit de l’ex-ministre de la défense, Joao Laurenço.

« Nous n’avons aucun doute (…), notre candidat sera le futur président de la République », a-t-il lancé samedi dernier à ses partisans, réunis dans une banlieue de Luanda. Apparatchik du MPLA, Joao Lourenço, 64 ans, est un général à la retraite sans grand charisme. Il s’est engagé à marcher dans les pas de son prédécesseur.

« Comme le dit notre slogan, je vais améliorer ce qui va bien et corriger ce qui va mal », a-t-il déclaré à la presse. « Si j’y parviens, j’aimerais être reconnu dans l’histoire comme l’homme du miracle économique en Angola. »

« Privatisation de l’Etat »

Et l’ambition n’est pas des moindres. L’Angola a beau être le principal pays producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne avec le Nigeria, le pays traverse une passe difficile.

Au sortir d’une meurtrière guerre civile de trente-deux ans, le pays a affiché des taux de croissance à deux chiffres à partir de 2002 grâce à sa manne pétrolière, qui représente 50 % de ses recettes budgétaires et 95 % de ses exportations. Mais, il y a trois ans, la chute des cours de l’or noir l’a précipité dans la tourmente. La croissance s’est effondrée, passant de 6,8 % en 2013 à 0,4 % en 2016. Sa dette s’est creusée, l’inflation a explosé et a atteint 34,7 % en 2016 (contre 7,3 % en 2014), et la monnaie a dégringolé.

Ses adversaires reprochent à José Eduardo dos Santos d’avoir empiré la situation, en mettant en coupe réglée des pans entiers de l’économie du pays, confiés à sa famille ou des proches. Sa fille Isabel, milliardaire considérée comme la femme la plus riche d’Afrique, est devenue le symbole de cette « privatisation de l’Etat », selon le mot du journaliste d’opposition, Rafael Marques de Morais. Son père l’a intronisée PDG de la compagnie pétrolière nationale, la Sonangol, l’an dernier.

Combattre la corruption

Ecartée des bénéfices du boom pétrolier, la majorité des 28 millions d’Angolais a subi le choc de plein fouet. Les deux principaux d’opposition, l’Unita et la Casa-CE, ont surfé tout au long de la campagne sur ce ras-le-bol, de plus en plus partagé.

« Nous ne pouvons pas continuer à souffrir ainsi. Nous devons changer tout ça (…), c’est un devoir patriotique de dire au MPLA va te reposer un peu” », a martelé le chef de l’Unita, Isaias Samakuva, lors de sa dernière grande réunion publique à Luanda.

« Nous ne pouvons pas continuer à être un pays potentiellement riche mais habité par des citoyens pauvres », a renchéri son rival de la Casa-CE, Abel Chivukuvuku. « Nous avons besoin d’un gouvernement sérieux et patriotique, qui ne pratique pas la corruption et la mauvaise gouvernance. »

Dans ce contexte, les analystes tablent sur un net recul électoral du régime, qui avait réuni 72 % des voix il y a cinq ans. Mais pas au point de le priver de sa majorité absolue au Parlement.

Conscient du mécontentement ambiant, le MPLA inonde le pays depuis des mois de toute sa puissance financière de parti-Etat et a organisé un scrutin à sa main, jugé inéquitable par ses adversaires. Le gouvernement a multiplié les inaugurations de ponts ou de barrages, et Joao Lourenço a promis de « combattre la corruption ». Beaucoup doutent cependant de sa volonté de s’attaquer au « système » mis en place par son prédécesseur.

M. dos Santos, qui doit rester président du MPLA jusqu’en 2022, l’a d’ailleurs verrouillé en faisant voter des lois qui gèlent pour des années toute la hiérarchie dans l’armée et la police et lui assurent une large immunité judiciaire.