Documentaire sur Arte à 22 h 55

Jean Rouch en 1954. Réalisateur et ethonologue, il est connu pour être le fondateur de l'ethnofiction. Il réalise beaucoup de ses films au Niger, un pays avec lequel il entretient des liens très étroits. / © JOCELYNE ROUCH

Si l’on s’intéresse à Jean Rouch et à son cinéma, il est impossible d’ignorer que l’on célèbre le centenaire de sa naissance, le 31 mai 1917, à force de rééditions, en salle et en DVD, de rencontres et d’expositions. On croule sous une matière connue ou inédite (la Mostra de Venise s’apprête à présenter Jean Rouch à Turin, chronique d’un film raté, dont le titre aurait sans doute amusé le cinéaste). Les non-initiés pourront regarder Jean Rouch,cinéaste aventurier, de Laurent Védrine, introduction au parcours et à l’œuvre de l’ingénieur parisien des Ponts et Chaussées devenu ethnologue, cinéaste et nigérien.

C’est cet élément de l’identité de Rouch, sa nationalité d’adoption, qui sert de fil conducteur au portrait de Laurent Védrine. Le Niger fut le premier territoire (à l’époque une colonie française) que découvrit Rouch, en tant que bâtisseur de routes et de ponts. Le film ­énumère les étapes de l’acclimatation du jeune homme, sa découverte des rituels magiques et du ­cinéma, ses pérégrinations sur le continent (au Ghana, où il réalise Les Maîtres fous, en Côte d’Ivoire, où a été tourné Moi, un Noir) et ses rencontres (avec l’acteur et réalisateur Damouré Zika, le preneur de son Moussa Hamidou, mais aussi avec la Nouvelle Vague française, dont il fut à la fois le précurseur et le compagnon de route).

La fantaisie du montage

De larges extraits de La Chasse au lion à l’arc, de Cocorico Monsieur Poulet, donnent une idée du rapport de Rouch aux gens qu’il filme (qui ne sont jamais des sujets, toujours des partenaires) et ­à l’image (il a un vrai talent de cadreur). Au cinéaste, Laurent Védrine emprunte aussi la fantaisie du montage, qui refuse l’ordre chronologique, et dispose dans un désordre artistique les grandes étapes d’un itinéraire qui s’est achevé le 18 février 2004, sur une route à l’est de Niamey, dans un accident de voiture.

Les témoignages contemporains, recueillis au Niger, manquent eux de cette inventivité, relevant plus de l’éloge funèbre que du travail de mémoire. A une exception près, les souvenirs de Moussa Hamidou, qui raconte son travail avec un metteur en scène qui lui répondait, lorsqu’il s’inquiétait que l’on voie sa perche dans le champ : « Tout le monde sait que c’est un film fait avec une caméra et un micro. »

Jean Rouch, cinéaste aventurier, de Laurent Védrine (Fr., 2017, 52 min).