Les emplois aidés sont dans le viseur du gouvernement d’Edouard Philippe. / PASCAL LACHENAUD / AFP

Haro sur les emplois aidés. Depuis plusieurs semaines, ces contrats subventionnés en partie par l’Etat sont dans le viseur du gouvernement. Au début d’août, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, avait affirmé à l’Assemblée nationale que ces emplois aidés étaient « coûteux » et « pas efficaces dans la lutte contre le chômage ».

Le premier ministre, Edouard Philippe, est revenu à la charge, jeudi 24 août, sur BFM-TV. Alors que l’Etat a financé près de 459 000 contrats aidés en 2016, et 293 000 en 2017, M. Philippe a confirmé qu’il y en aurait moins de « 200 000 » en 2018. Deux domaines seront toutefois préservés : « L’éducation et l’outre-mer ».

« Nous voulons une politique active de retour à l’emploi : baisse des charges qui fait diminuer le coût du travail, notamment sur les bas salaires, retour de la croissance. Après un contrat aidé, le nombre de gens qui trouvent un contrat durable, c’est 25 %. 75 %, après, n’ont rien. »

Mais cette baisse significative des contrats aidés décidée va notamment toucher les associations et les collectivités locales, qui y ont souvent recours, ainsi que les personnes qui profitent de ces emplois aidés pour mettre un premier pied dans la vie professionnelle après des échecs. Plusieurs dizaines de personnes ont ainsi raconté leur expérience, bonne ou mauvaise, de ces contrats à l’occasion d’un appel à témoignages lancé sur Le Monde.fr.

« Au chômage et sans formation »

C’est le cas de Mélinda, 23 ans, qui est en contrat d’accompagnement à l’emploi (CUI-CAE) dans une maison de retraite à Fauville (Eure), jusqu’au 30 septembre. « Mon contrat devait être renouvelé, je m’étais même inscrite à une préparation pour les concours d’aide-soignante, explique-t-elle. Mais, en raison du gel des contrats aidés, je vais me retrouver au chômage et sans formation. »

Laure se retrouve dans la même situation à cause de cette décision du gouvernement Philippe. « Je travaille dans un collectif d’associations depuis un an en tant que coordinatrice. Nous accompagnons 29 associations dans la valorisation de leurs actions, le développement de leurs projets, et nous coordonnons également deux événements citoyens », explique-t-elle dans son témoignage. Elle « bénéficie d’un contrat aidé à 30 heures payé au smic, car l’association n’a pas les fonds suffisants pour embaucher en CDD ou CDI ».

Elle devait être prolongée un an. Mais c’était avant que le gouvernement Philippe décide de revoir sa politique en matière de contrats aidés. Depuis, elle est pessimiste sur ses chances d’être prolongée : « L’association n’aura plus de salarié pour assumer le suivi et la mise en œuvre des projets lancés. » Laure regrette également cette décision prise par l’exécutif qui va dans le mauvais sens, selon elle, et qui va notamment toucher l’ensemble du milieu associatif.

« Au niveau national, de nombreuses associations ou mairies qui œuvrent pour nos concitoyens devront réduire leurs activités et se verront dans l’incapacité de proposer une alternative à leurs salariés ou futurs salariés. »

« Précarité »

A l’inverse, pour Catherine, 47 ans, vivant à La-Seyne-sur-Mer (Var) et bénéficiaire de deux contrats aidés dans l’éducation nationale ces dernières années, ces emplois subventionnés sont « à supprimer d’urgence ».

« Je garde un souvenir très négatif de cette expérience d’emploi sous-payé où je faisais le même travail que les titulaires, la considération en moins et pour le même niveau d’études au départ. Ces contrats aidés sont une forme d’exploitation des demandeurs d’emploi pour permettre à certains de se débarrasser des “tâches ingrates” mais qui sont inhérentes à leurs postes. »

Selon elle, ces contrats aidés devraient plutôt être « réservés à un public en grande difficulté sociale et/ou aux personnes en situation de handicap uniquement ».

A 58 ans, Isabelle va commencer en septembre sa cinquième rentrée en tant qu’auxiliaire de vie scolaire en accompagnement individuel auprès d’enfants en situation de handicap à Bordeaux. Elle est aussi mitigée quand à l’efficacité d’un tel contrat. Si, avec un temps de travail hebdomadaire de 20 heures « pour 687 euros pour mois », cela lui permet « de rester dans la vie active », elle regrette que ces contrats aidés « nous maintiennent dans une certaine précarité ». « J’ai 58 ans et je sais très bien qu’à cet âge-là je ne trouverai pas de travail sur des contrats “normaux” », estime-t-elle.

« Expérience »

D’autres ont pu profiter de ces emplois subventionnés pour débuter dans la vie active et accumuler de l’expérience. C’est le cas d’Alice, qui est aujourd’hui chargée de communication à Paris en CDI. Mais la jeune femme de 29 ans n’aurait jamais pu en arriver là sans ses deux années passées en contrats aidés, selon elle :

« Après l’obtention d’un BTS et une année à l’étranger, je me suis retrouvée au chômage pendant plus d’un an sans ressources. Après un an de déprime à Pôle emploi, qui n’avait rien à m’offrir, j’ai rencontré une association culturelle qui avait besoin de quelqu’un avec mes compétences, mais pas le budget pour. »

Et si, à l’issue de ces deux années, l’association n’a pas pu la prolonger, elle ne regrette pas :

« Grâce à l’expérience obtenue, j’ai trouvé un CDD, qui s’est transformé en CDI. Sans les contrats aidés, je n’aurais pas pu prendre mon indépendance ni obtenir un travail stable et enrichissant. »

Inquiétude des associations

L’inquiétude est également très présente du côté des collectivités locales et les associations. Les maires alertent notamment le gouvernement sur l’impossibilité de renouveler des contrats arrivant à échéance et la nécessité de pourvoir les besoins en personnel pour la rentrée. Ils ont ainsi reçu l’appui de l’édile socialiste de Lille, Martine Aubry, qui a dénoncé la politique du gouvernement sur son compte Twitter.

Pour Charles, c’est simple : « La fin des contrats aidés, c’est la mort de notre association ». A 69 ans, il dirige bénévolement l’association multiloisirs intercommunale à Gouy-sous-Bellonne (Pas-de-Calais) qui, depuis vingt-cinq ans, gère sur une douzaine de communes du département les centres de loisirs, les garderies périscolaires ou encore les colonies de vacances :

« Nous employons neuf salariés en CDI, tous issus des contrats aidés précédents et une trentaine de contrats aidés. La fin des contrats aidés va nous conduire à cesser l’activité – déposer le bilan – licencier tous les collaborateurs. Ainsi tous les salariés vont se trouver à pointer au chômage. »