374 tonnes d’or ont quitté les entrepôts de la Banque de France, à Paris, pour rejoindre les réserves de la Bundesbank. / Arne Dedert / AP

L’image était d’une importance politique sonnante et trébuchante. Devant les caméras, Carl Ludwig-Thiele, un membre du directoire de la Bundesbank, la banque centrale allemande, a longuement caressé, mercredi 23 août, un des lingots d’or rapatriés dans les réserves de l’institution depuis Paris et New York. A l’intention des angoissés de l’inflation et autres adeptes des théories conspirationnistes, le message se voulait sans équivoque : les fameuses réserves d’or allemandes, conservées depuis la guerre froide à l’étranger, existent bien et sont désormais « en sécurité ».

« Nous avons vérifié l’authenticité et le poids de chaque lingot. Il n’y a pas eu de réclamation », a précisé Carl-Ludwig Thiele à la presse. Un message qui vient à point nommé en période électorale pour mettre fin à des années de spéculation sur l’or allemand. Les 270 000 lingots d’or (3 378 tonnes, soit 120 milliards d’euros) qui reposaient en grande partie pour des raisons historiques à l’étranger faisaient l’objet de tous les fantasmes : cet or existe-t-il vraiment ? Est-il encore entreposé dans les banques centrales étrangères ? A l’automne 2012, la Cour des comptes fédérale allemande avait enflammé le débat en critiquant le fait que la Bundesbank n’avait encore jamais « fait l’expérience physique de l’existence de cet or et vérifié son authenticité et son poids ». En pleine crise de l’euro, l’aveu avait ému de nombreux Allemands.

Des convois ultra-secrets

Depuis 2013, la Bundebank a rapatrié, par des convois ultra-secrets, des centaines de lingots entreposés à la Banque de France et à la Réserve fédérale américaine. La moitié du stock d’or allemand repose aujourd’hui dans les coffres-forts de la Bundesbank, à Francfort. 1 236 tonnes, soit un tiers du total, restent à New York, et 432 tonnes restent à Londres. Mais il n’y aura plus d’or allemand à la Banque de France, qui en conservait jusqu’ici 374 tonnes.

L’histoire de cet or à l’étranger s’enracine dans celle de l’après-guerre. A partir de 1951, la jeune République fédérale d’Allemagne (RFA) commence à se constituer des réserves d’or. Grâce à l’essor de ses exportations, elle accumule des dollars qui sont changés en or conservé à la Banque centrale américaine. Pendant la guerre froide, les gouvernements jugent indispensable de conserver le métal précieux « à l’ouest du Rhin » et très loin des frontières en cas de crise monétaire.

Après la réunification et la normalisation de la situation géopolitique, la situation de l’Allemagne est devenue « bien plus sûre », a expliqué la Bundesbank pour justifier un rapatriement qui a coûté au contribuable 7,7 millions d’euros. Pour rassurer les derniers inquiets, une liste complète du contenu de la réserve est disponible pour le grand public depuis 2015. Un vrai lingot à toucher est même exposé dans le musée de la banque centrale à Francfort. Aux appels réguliers à utiliser le trésor légendaire, par exemple pour abonder la caisse des retraites, la Bundesbank a toujours opposé son refus le plus ferme.