Lors de la présentation du Galaxy Note 8 de Samsung, mercredi 23 août, à New York. / BRENDAN MCDERMID / REUTERS

Un an après le lancement catastrophique du Galaxy Note 7 – retiré du marché après que plusieurs appareils ont pris feu –, Samsung a dévoilé, mercredi 23 août, son successeur, le Note 8. Un appareil XXL, doté d’un écran sans bord de 6,3 pouces et des dernières innovations du constructeur : double capteur, fonctions multitâches et de nouvelles fonctionnalités pour le stylet intégré à l’appareil. Un produit original qui prétend à tous les superlatifs. Il sera disponible à partir du 15 septembre au prix de 1 009 euros. Un palier franchi qui marque les esprits et vise à renforcer l’image « Premium » de la marque.

Dans la foulée de Samsung, ses principaux rivaux, Apple et Huawei, présenteront à leur tour, entre septembre et octobre, leurs nouveaux fleurons. Là encore, les compteurs devraient s’affoler. Pour Apple, qui fête cette année les 10 ans de l’iPhone, certains analystes évoquent un appareil qui pourrait se situer entre 1 200 et 1 400 dollars (1020 et 1190 euros).

« On constate dans le haut de gamme une tendance haussière sur les prix, en tout cas sur les tarifs nus des appareils [avant les remises des opérateurs] », admet Thomas Husson, analyste chez Forrester. « Ces smartphones de haut de gamme contiennent de plus en plus de technologies, le prix reflète le coût de la miniaturisation et des innovations logicielles, mais aussi le renchérissement des écrans. »

Les plus grosses marges

Mais cela ne suffit pas à expliquer ce niveau de tarifs. Pour les leaders de la téléphonie mondiale que sont Samsung, Apple et Huawei, le segment du haut de gamme est devenu un terrain d’affrontement crucial, car c’est sur celui-ci que se font les plus grosses marges sur les ventes, et le sud-coréen comme le chinois entendent bien rivaliser avec l’américain sur ce terrain qu’il domine. Et ce d’autant plus que les consommateurs semblent prêts à payer toujours plus.

Pour preuve, Apple a établi au premier trimestre fiscal 2017 un nouveau record de son prix moyen de vente (ASP), tous smartphones et toutes offres confondus, à 695 dollars. Une performance liée au succès de l’iPhone 7 Plus, préféré par nombre de consommateurs à l’iPhone 7, pourtant moins onéreux. Même constat chez Samsung, qui, dans les résultats du second trimestre de cette année, indiquait qu’il s’était vendu sur la période plus de GalaxyS8+ (909 euros au lancement) que de Galaxy S8 (809 euros).

En outre, le haut de gamme est un sujet majeur quand il s’agit de se projeter vers la Chine. « C’est non seulement le premier marché mondial pour les smartphones, mais aussi un pays où les personnes qui ont un fort pouvoir d’achat sont très nombreuses. Pour tous ceux qui prétendent dominer le marché mondial des smartphones, il y a là un gros enjeu, car il y a de gros volumes de vente à réaliser », souligne Thomas Husson.

« Des produits d’image »

Le haut de gamme est donc devenu stratégique pour les leaders du marché. Dès juillet, Samsung expliquait que les nouvelles gammes S8 et Note 8 devaient « soutenir la poussée des ventes de produits Premium. » Même ambition chez Huawei, dont le patron de la division mobile, Richard Yu, indiquait récemment : « Nous abandonnons la production d’appareils d’entrée de gamme, parce que les marges sur ce secteur sont beaucoup trop faibles. » Avec la volonté affichée d’affronter frontalement Apple : « Dans le passé, c’est Apple qui était l’acteur numéro un en matière d’innovation. Dans le futur, ce sera Huawei. »

La problématique est cependant différente entre un Apple dont l’offre se concentre sur le haut, voire le très haut, de gamme (un iPhone 7 Plus avec une forte mémoire se vend actuellement 1 129 euros), et un Huawei ou un Samsung qui proposent un éventail de tarifs beaucoup plus étendu. Pour ces deux-là, « il y a une volonté de créer une unicité de la marque, une approche statutaire, pour des clients pour qui c’est important de posséder telle ou telle marque, explique Thomas Husson. Mais ces appareils Premium sont aussi des produits d’image qui doivent avoir un effet de halo sur l’ensemble de la marque, à l’image du Note 8 qui doit renvoyer cet aspect innovant à tous les produits Samsung. Par ailleurs, les innovations qu’on voit apparaître sur le haut de gamme deviennent bien souvent après des standards du marché ».

« Sur le haut de gamme, il y a une guerre d’image. Aux yeux des clients, des téléphones comme le Note 8 constituent l’idéal de la marque, son emblème, quand bien même tous ne peuvent pas se l’offrir. C’est aussi pour ça que c’est sur ces produits qu’il y a le plus d’efforts de communication », explique Guillaume Berlemont, directeur marketing division mobile de Samsung France.

Dans la bataille du haut de gamme que se livrent les trois poids lourds du secteur, c’est le chinois qui part du plus loin. Selon les derniers chiffres de Gartner, Huawei a continué à grappiller du terrain (9,8 % de parts de marché, contre 8,9 % un an plus tôt) pour se rapprocher de Apple en volume de ventes (12,1 %) – loin derrière Samsung (22,5 %), mais « ces chiffres portent sur tous les téléphones de Huawei, pas seulement sur le Premium », tempère Roberta Cozza, analyste chez Gartner.

« Un écosystème »

Pour renforcer son image de marque, Huawei s’est associé en 2016 à Leica pour équiper ses appareils de meilleurs capteurs, a sorti la même année une édition limitée du Mate 9 en partenariat avec Porsche (1 395 euros), et s’est offert des têtes d’affiches prestigieuses pour ses campagnes de publicité à l’image du footballeur Antoine Griezman en France. Mais cela est insuffisant, selon Mme Cozza : « Dans le haut de gamme, il y a un attachement fort à la marque. C’est particulièrement le cas pour Apple, mais aussi pour Samsung. Huawei pâtit d’une moins forte loyauté des consommateurs. »

Cela tient notamment à l’avance prise par les deux principaux constructeurs mondiaux dans l’élaboration de services liés à l’appareil. « Le haut de gamme, ce n’est pas qu’un appareil avec ses fonctionnalités, c’est aussi un écosystème. Samsung l’a très bien compris, avec son assistant Bixby, ses produits connectés qui vont de la réalité virtuelle aux montres connectées, sans oublier un service comme Samsung Pay… », précise l’analyste. La remarque est encore plus vraie pour Apple qui, outre sa large variété de services (Cloud, Music, Books, Home…), dispose de sa propre plate-forme (iOS), tandis que Samsung et Huawei ont développé leurs produits sur Android, rendant plus facile le passage du consommateur d’un constructeur à l’autre.

Pourtant, Mme Cozza est persuadée que « tout le monde est challengé, même Apple, pour ce qui est d’accroître cette interaction de l’utilisateur avec l’écosystème ». « Ce qui va faire la différence dans un futur proche, ce sera : comment le téléphone se connecte à ma maison ou à ma voiture », souligne-t-elle.