Emmanuel Macron et le premier minsitre slovaque Robert Fico, à Salzbourg le 23 août. / Kerstin Joensson / AP

Editorial du « Monde ». C’était un des axes forts de la campagne électorale et le président Macron entend s’y tenir. « L’Europe qui protège » a donc été au centre des entretiens qu’il a menés, mercredi 23 août à Salzbourg, première étape d’une tournée de trois jours en Europe centrale, avec les dirigeants autrichien, tchèque et slovaque.

M. Macron a choisi de frapper fort d’entrée de jeu, en qualifiant le statut actuel des travailleurs détachés de « trahison de l’esprit européen dans ses fondamentaux ». Et il a remporté une première manche, en obtenant le soutien de Prague et de Bratislava au projet de réforme français, sachant que l’appui autrichien était déjà acquis.

Ce n’est qu’une première étape, mais elle compte, dans un combat hautement symbolique pour l’avenir de l’Europe, à deux titres. D’une part, la question des travailleurs détachés, régie par une directive européenne de 1996 qui permet aux entreprises de faire travailler des salariés d’un autre pays de l’UE en payant les cotisations sociales dans leur pays d’origine, a concentré en France les critiques contre une Europe qui favorise le dumping social et la concurrence inégale : pour M. Macron, elle a alimenté la montée du populisme et de l’euroscepticisme en France.

D’autre part, au sein de l’UE, cette question est devenue l’une des principales et dangereuses lignes de fracture entre l’Est et l’Ouest, l’Est – la Pologne, en premier lieu – comme fournisseur de travailleurs détachés et l’Ouest (surtout l’Allemagne, la France et la Belgique) comme recruteur. Parmi les onze Etats membres qui, en mai, se sont opposés à la réforme de la directive, dix étaient des pays de l’est de l’UE, auxquels s’est joint le Danemark.

Un geste fort

Pour pouvoir montrer aux électeurs français qu’il est possible d’améliorer le fonctionnement de l’Europe, en arrachant une réforme du statut des travailleurs détachés d’ici à la fin de l’année à Bruxelles, il fallait éviter d’ancrer cette division en deux blocs. Le ralliement de la République tchèque et de la Slovaquie à la position française, qui souhaite réduire à un an la durée des contrats des travailleurs détachés et égaliser leurs rémunérations, va dans ce sens.

C’est un geste politiquement fort, car il consacre le choix de Prague et de Bratislava de jouer la carte européenne plutôt que régionale. Les deux pays renoncent ainsi clairement à la « tentation de Visegrad », du nom du groupe informel qu’ils avaient formé avec la Pologne et la Hongrie et que Varsovie et Budapest souhaitaient utiliser pour faire pression contre Bruxelles. Il reste maintenant à Emmanuel Macron à convaincre la Roumanie et la Bulgarie, étapes suivantes de sa tournée, de soutenir le projet de réforme français.

Le plus dur, cependant, reste à faire. Isoler la Pologne permettrait évidemment de progresser sur la voie d’un compromis à Bruxelles, mais l’opération n’est pas sans risques politiques. En évitant ostensiblement la route de Varsovie et de Budapest dans cette tournée, M. Macron a voulu marquer sa volonté de privilégier les pays d’Europe centrale qui jouent le jeu et sa distance avec ceux qui affichent leur mépris des règles. Mais il va falloir, tôt ou tard, trouver le moyen de faire revenir les deux pays rebelles dans le jeu. Poursuivant son grand dessein européen, M. Macron reçoit la semaine prochaine à Paris les chefs de gouvernement allemand, italien et espagnol ; peut-être pourront-ils se pencher ensemble sur cette épineuse question.