A seulement 20 ans, Ousmane Dembélé va remplacer Neymar au FC Barcelone. / Marius Becker / AP

De la réserve du Stade Rennais à l’équipe première du FC Barcelone en deux ans : l’ascension éclair d’Ousmane Dembélé, dont le recrutement a été confirmé vendredi 25 août par le légendaire club catalan dans un communiqué, a peu d’équivalent en Europe.

L’attaquant français de seulement 20 ans, à peine sept sélections en équipe de France, fait désormais l’objet de l’un des transferts les plus chers de l’histoire entre deux clubs de football (105 millions d’euros plus des bonus estimés par L’Equipe à 40 millions d’euros) – le coût total du transfert du Brésilien Neymar pour 220 millions d’euros au Paris Saint-Germain relevant d’un processus différent.

Les choses ont l’air simples pour l’insaisissable gamin du quartier de La Madeleine à Evreux (Eure), que sa mère, d’origine mauritanienne, a élevé seule. En apparence seulement, tant il semble avoir vécu en accéléré les aléas d’une carrière de footballeur professionnel : déracinement, explosion, conflit avec l’entraîneur, querelle d’agents, la gloire enfin. Tout, même un titre, la Coupe d’Allemagne avec le Borussia Dortmund. Appelée à être rejointe par d’autres, plus prestigieuses.

Il y a quelques autres Ousmane Dembélé sur les stades informels des quartiers de France, mais pour porter la tunique du Barça, la vitesse et la technique ne suffisent pas : il faut du culot, de la chance et de l’intelligence, et « Dembouz » a visiblement tout ça.

« Tout petit, il était déjà surclassé. C’était impossible de le louper sur un terrain. Il était à l’écoute, à fond dans le football et avait un gros caractère », se souvient Grégory Badoche, entraîneur dans son premier club de l’ALM Evreux, interrogé par Le Monde en 2015.

Caractère décidé, qui l’a amené, à 13 ans, à préférer planter le centre de formation du Havre pour rejoindre in extremis celui de Rennes, qui lui proposait de loger sa mère. Cinq ans plus tard, il boycotte l’entraînement estival de l’équipe première, soucieux de quitter un club qui a trop tardé à le faire jouer – l’entraîneur Philippe Montanier le juge « trop frêle ». Soutenu par les entraîneurs de la réserve, qui ne voient pas passer tous les ans pareil phénomène, et le conseiller du président Mikaël Sylvestre, Dembélé obtient gain de cause et accepte de signer son premier contrat professionnel chez les Bretons.

« J’étais plus en colère que malheureux, raconte le prodige quelques mois plus tard à BeIn Sport. Il faut être fort mentalement, ne pas se laisser faire, être solide. Moi, je ne doute pas de mes qualités. Cet été (en 2015), je demandais juste à être sur le terrain et montrer ce que je sais faire. »

Ousmane Dembélé sur le terrain d’entraînement de Dortmund, le 09 août. Le Français n’y est plus revenu depuis. / PATRIK STOLLARZ / AFP

Le temps que s’apaisent les tensions entre Dembélé et son entraîneur Philippe Montanier, l’ailier débute en Ligue 1 en novembre 2015 et, en un mois, met tout le monde d’accord. Il ne sortira plus de l’équipe-type, malgré le remplacement de Montanier par Roland Courbis, et est élu meilleur espoir du championnat après une moitié de saison en Ligue 1. « Il a présenté des excuses à l’équipe. Il assume ce qu’il a fait. Il faut une sacrée force morale pour entrer dans un groupe dans ces circonstances et ne plus en sortir », juge Julien Stéphan, l’entraîneur de la réserve rennaise et fils de Guy, sélectionneur adjoint des Bleus.

Bras de fer avec Dortmund

Depuis, Dembélé a fait admirer sa vision du jeu, son aisance des deux pieds et sa rapidité d’exécution dans les stades allemands, sous le maillot jaune du Borussia Dortmund. L’Europe entière lui a fait la cour, après l’avoir observé derrière sa plus belle vitrine, la Ligue des champions, et Dembélé a vite tranché en faveur de l’équipe de ses rêves.

Jeudi 11 août, il a séché l’entraînement pour obtenir son transfert et n’est pas revenu depuis, se mettant au ban de l’équipe de la Ruhr et voyant tout ce que le monde du football compte d’anciennes gloires critiquer son comportement. Même le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, ne l’a pas appelé pour les matchs éliminatoires pour la Coupe du monde face aux Pays-Bas et au Luxembourg, estimant jeudi que le joueur, « inactif depuis quinze jours », se mettait « en marge » des Bleus. Mais à ce jeu-là, les joueurs qui valent un transfert à neuf chiffres gagnent toujours. Cette saison, il remplacera son idole, Neymar, sur l’aile gauche de la meilleure attaque du monde.

Le conte est joli. Il faudra attendre d’en lire la version sous-titrée, si l’on en croit les révélations de L’Equipe sur les dessous de son transfert il y a un an.

Quatre agents impliqués, un avocat et ami de la famille jouant les intermédiaires, les pressions du Stade rennais sur le joueur : l’affaire se soldera peut-être devant les tribunaux, la brigade financière du SRPJ de Rennes ayant ouvert une enquête préliminaire sur les conditions de cette transaction. La Fédération française de football, à l’origine de la première plainte, accuse l’actuel agent du joueur, Moussa Sissoko (homonyme de l’international français) d’exercice illégal de la profession d’agent, et s’interroge sur les responsabilités du Stade rennais dans ce dossier.