Vue de la vieille ville de Rakka, le 2 juin 2016. / DigitalGlobe 2017, NextView License

Rakka, le 19 juillet 2017. / CNES 2017, Distribution AIRBUS DS

Depuis le début de juin et le lancement de l’offensive de Rakka, les populations de l’ancienne capitale en Syrie de l’organisation Etat islamique (EI) sont prises au piège d’une bataille où tous les belligérants se sont rendus responsables de pertes civiles. Y compris la coalition internationale dirigée par Washington, qui mène l’assaut avec ses alliés au sol, les Forces démocratiques syriennes (FDS).

Dans un rapport publié jeudi 24 août, l’organisation non gouvernementale Amnesty International dénonce le caractère disproportionné, voire inconsidéré qu’a pu prendre l’appui aérien et terrestre apporté par la coalition aux FDS. L’avancée des forces lancées à l’assaut de Rakka serait impossible sans le soutien de l’aviation américaine, mais également d’appareils français et britanniques. Elle est également facilitée par le déploiement au sol d’unités américaines, chargées d’appuyer par des tirs d’artillerie les FDS, à dominante kurde, qui combattent à l’intérieur de la ville.

Les djihadistes contrôlent encore 40 % de la ville, où sont encore piégés des milliers d’habitants

D’après les témoignages recueillis par Amnesty en Syrie auprès de civils déplacés originaires de Rakka, ces bombardements ont causé, depuis le début de la bataille, d’importantes pertes civiles. En cause, le périmètre d’action élevé des armes utilisées ou l’emploi de munitions non guidées, singulièrement meurtrières dans à un environnement urbain encore habité. Les djihadistes contrôlent encore 40 % de la ville, les quartiers centraux, où sont encore piégés des milliers d’habitants.

Deux cent cinquante frappes en huit jours

La publication de ce rapport, accompagné de clichés satellite qui montrent l’ampleur des destructions, intervient alors que les frappes aériennes de la coalition sur Rakka s’intensifient. La chute de Mossoul, en Irak, en juillet, lui permet de concentrer ses efforts sur les dernières positions de l’EI. D’après le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition cité mardi par l’Agence France-Presse, deux cent cinquante frappes ont été réalisées en huit jours par les appareils engagés dans le ciel de Rakka contre des cibles djihadistes.

Cent soixante-huit civils auraient été tués depuis le 14 août

Les populations en ont subi les effets : 168 civils y auraient été tués depuis le 14 août, selon les estimations publiées mardi par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) qui entretient un réseau de contacts sur place. Une unique frappe recensée par l’OSDH aurait ainsi tué plus de 40 personnes à Rakka.

Malgré la présence en leur sein d’un noyau dur de combattants aguerris par plus de trois années de lutte contre les djihadistes, et en dépit du degré d’organisation de l’ensemble de leur appareil militaire, les FDS n’auraient pas été en mesure de faire reculer l’EI des centres urbains du nord syrien sans le soutien constant des frappes aériennes de la coalition. A l’été 2016, la ville de Manbij, proche de la frontière avec la Turquie, a également été reprise aux djihadistes au prix d’un lourd bilan pour les populations civiles.

Boucliers humains

A Rakka, ces morts de civils sont par ailleurs largement imputables aux méthodes de défense employées par l’EI, qui cherche à maintenir les habitants au cœur des zones de combat. Les populations qui n’ont pas pu fuir Rakka sont utilisées comme boucliers humains. Les djihadistes s’en servent pour tenter d’échapper aux frappes et aux tirs d’artillerie, tout en utilisant les options offertes par le tissu urbain pour se camoufler ou se déplacer sans être repérés.

D’après les témoignages recueillis par l’ONG, les tireurs embusqués de l’EI prennent par ailleurs systématiquement pour cible les civils qui tentent de s’enfuir. Et si ces derniers parviennent à échapper aux balles, les pièges explosifs artisanaux laissés derrière eux dans leur reflux par les djihadistes constituent un autre obstacle meurtrier.