Stephen Bannon, en décembre 2016, est conseiller stratégique du président des Etats-Unis puis est limogé par Donald Trump, le 18 août. / EDUARDO MUNOZ ALVAREZ / AFP

Quelques heures à peine après avoir été renvoyé de son poste de conseiller spécial à la Maison Blanche, Stephen Bannon avait déjà rebondi : il était de retour comme président exécutif à Breitbart News, site d’information de la droite dure américaine et relayeur habituel d’informations exagérées ou mensongères.

Bannon avait occupé ce poste pendant la campagne présidentielle américaine, appuyant médiatiquement la candidature de Donald Trump jusqu’à sa victoire finale, en novembre 2016. Il y avait peu de doutes que Bannon avait gardé des liens avec le média qu’il avait dirigé pendant son passage à Washington, tant Breitbart était élogieux envers l’administration Trump et les actions inspirées par Bannon lui-même (sortie de l’accord de Paris ou le décret anti-immigration).

Son renvoi a fait dire à la presse américaine que les règlements de comptes entre factions n’allaient pas tarder. A en croire un échange d’e-mails diffusé par un homme s’étant fait passer pour Bannon auprès de hauts dirigeants de Breitbart, ça va être sanglant.

Le canular a été diffusé d’abord par celui qui se définit comme « un farceur qui opère par e-mail » sur son compte Twitter@SINON_REBORN (qui a trouvé la référence antique ?), puis par CNN. L’homme s’est fait passer pour Bannon avec une adresse douteuse – steven.bannon@usa.com, alors qu’il s’appelle Stephen – qui a pourtant trompé plusieurs responsables, dont le rédacteur en chef de Breitbart, Alex Marlow.

Un rédacteur en chef qui « assume »

Marlow lui dit notamment qu’il « leur a fait peur aujourd’hui », en référence à la Maison Blanche, en publiant « cinq histoires sur la prise de pouvoir globaliste et en [se] présentant comme le seul espoir de les arrêter ». Le rédacteur en chef de Breitbart lui dit « d’assumer » et de se rappeler qu’il a « des personnes pour faire le sale travail à [sa] place », à savoir lui et d’autres hauts responsables de Breitbart.

Les cibles de ce « sale boulot » sont notamment Ivanka et Jared Kushner. Lorsque le faux Bannon demande :

« Alors tu penses que vous les aurez obligés à faire leurs valises et à partir d’ici Noël ? »

Marlow répond :

« Je vais voir ce que je peux faire. Difficile à dire, compte tenu de la description que tu en as fait comme le mal pur. Je ne sais pas ce qui les motive. S’ils sont à moitié normaux, alors oui, ils sont dehors d’ici la fin de l’année. »

Bannon et Jared Kushner. / Andrew Harnik / AP

La conversation s’arrêtera quand les e-mails de@SINON_REBORN deviendront assez absurdes pour que les destinataires se rendent compte qu’ils s’étaient fait avoir. Une fois le hoax rendu public, Alex Marlow a assumé des e-mails « ironiques » et invité ceux qui « veulent nous juger sur des propos obtenus illégalement et censés être privés à venir lire notre site ». Le président de Breitbart News, Larry Solov, a quand même envoyé un message aux salariés pour qu’ils soient plus vigilants dans leurs correspondances en ligne.

@SINON_REBORN, qui se décrit comme « un anarchiste paresseux » qui ne se soucie « pas vraiment de l’administration Trump ou de Breitbart », a expliqué à CNN que son canular avait été inspiré par l’attitude de Breitbart News après le renvoi de Stephen Bannon :

« Ils en faisaient des tonnes pour attaquer ceux avec qui Bannon buvait un café à peine quelques jours auparavant. J’ai trouvé cela très fourbe. »

Ni la Maison Blanche ni Stephen Bannon n’ont réagi. Quelques heures après son renvoi, ce dernier avait longuement parlé avec le journal conservateur Weekly Standard pour dire qu’il était « à fond » et heureux d’être de retour à Breitbart, avec ses mains « à nouveau sur mes armes ». Et il n’avait pas l’air très apaisé, dans la nuance ou soucieux d’être consensuel.

« J’ai construit une putain de machine à Breitbart. Et maintenant j’y retourne, sachant ce que je sais, et la machine est prête à être relancée. Et c’est exactement ce que l’on va faire. »