Floyd Mayweather et Conor McGregor la veille de leur combat, lors de la pesée officielle, à Las Vegas (Nevada) le 25 août. / JOHN LOCHER / AP

Il aura fallu attendre un petit peu plus de deux ans pour que Las Vegas (Nevada), la capitale mondiale du superlatif, accueille un nouveau « combat du siècle ». Le 2 mai 2015, le duel entre les légendes de la boxe, le Philippin Manny Pacquiao et l’Américain Floyd Mayweather, avait déchaîné les passions des amateurs du noble art. Celui qui oppose, samedi 26 août, le même Mayweather à la figure de proue des mixed martial arts (MMA), l’Irlandais Conor McGregor, touche un public moins averti, et donc bien plus large.

En cause notamment, le charisme de McGregor, plombier raté de 29 ans devenu en quelques années une star incontestée de l’octogone et l’une des 100 personnalités les plus influentes du monde en 2017, selon le classement annuel du magazine Time. « Conor est l’une des rares personnalités qui est devenue plus importante que son sport », écrivait alors dans la publication l’ancien gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger.

Mégalo et narcissique, celui qui s’est auto-surnommé The Notorious (« Le célèbre ») n’a cessé depuis de longs mois de provoquer Mayweather, invaincu en plus de dix-huit ans de carrière professionnelle et retraité depuis septembre 2015. Le 14 juin, « Money » – en référence directe aux 800 millions de dollars amassés durant sa carrière sur les rings –, a officiellement annoncé qu’il renfilait les gants à 40 ans pour cet ultime face-à-face… Pour le plus grand plaisir des fans du natif de Dublin.

Mille dollars le billet

Ainsi, vendredi en fin de matinée, les abords de la T-Mobile Arena, la structure de 20 000 places qui accueille la rencontre, se sont parées de vert. Les accents irlandais résonnent : « Floyd watch out ’cause the Irish are coming, Floyd watch out ’cause McGregor is coming » (« Floyd [Mayweather], fais gaffe, les Irlandais arrivent, Floyd fais gaffe [Conor] McGregor arrive »), beugle à tue-tête ce groupe de supporteurs, faisant le bonheur des passants et celui des télévisions.

Assises sur une des tables installées le long du Strip, portion de Las Vegas où se concentrent les plus grands hôtels et casinos, Laura, Carol, Megan, Juliana et Sarah sirotent une bière, drapeaux irlandais sur les épaules et t-shirts floqués d’une des lettres composant le nom de leur champion. Ces vingtenaires originaires de la verte Erin, et quatre autres de leurs amies, ont pris leurs billets d’avion pour le Nevada dès l’annonce de l’événement : 1 200 dollars par tête, sans compter l’hébergement. Mais pour assister à la confrontation, il leur faudra rajouter au moins mille dollars.

« On essaie de trouver des places, mais au pire, on ira voir le combat dans un des pubs Irlandais du coin », expliquent-elles.

Des fans attendent la pesée des boxeurs, à Las Vegas (Nevada) le 25 août. / JOHN GURZINSKI / AFP

Cette somme substantielle, Fiona, 28 ans, et son compagnon Andrew, 26 ans, également Irlandais, ne peuvent pas se permettre de la dépenser. Le face-à-face, ils le regarderont, « évidemment », mais depuis l’une des salles spécifiquement mises à disposition par certains établissements. Pour une enveloppe de 150 dollars minimum par personne, ce système baptisé « closed circuit » prévoit un package qui comprend l’accès à la diffusion télévisée du duel – qui est de 99,99 dollars en pay-per-view – et, selon le forfait choisi, alcool et/ou nourriture à volonté. « Au moins, ça sera open bar », plaisante la jeune femme.

49 victoires en autant de combats

Buck, 36 ans, et sa compagne, regarderont, eux aussi, le combat de cette manière. Le couple, venu de l’Alabama pour l’occasion, détonne un peu dans la nuée verte. Tous deux arborent fièrement le même t-shirt : « Mayweather is undisputed. » Manière de rappeler que l’Américain est champion du monde de boxe dans cinq catégories différentes et qu’il est resté invaincu durant toute sa carrière professionnelle, avec un bilan de 49 victoires en autant de combats, dont 26 avant la limite. Son adversaire, lui, compte à son palmarès 21 victoires contre trois défaites et deux titres de champions du monde de MMA dans deux catégories différentes.

Et, samedi, l’affrontement se fera en vertu des règles de la boxe anglaise. « Floyd est plus talentueux sur le ring. J’aime beaucoup McGregor, c’est un très bon combattant, mais on ne parle pas de la même discipline », insiste Buck.

« Mayweather est d’un ennui à regarder, le combat contre Pacquiao était chiant », fait valoir, de son côté, Will, 22 ans. Avec son pote Reece, 21 ans, ils ont fait le trajet depuis Chicago (Illinois) pour apporter leur soutien à l’Irlandais. Comme de nombreux supporteurs qui ne peuvent pas s’offrir le précieux sésame pour samedi, les deux garçons se sont rabattus sur la pesée officielle dont les tickets, gratuits à l’origine, se sont finalement échangés contre une vingtaine de dollars au marché noir.

Dans l’espace confiné de la T-Mobile Arena, le vert semble encore plus présent. Ça chante, ça saute, ça hue aussi, quand le nom de Mayweather est évoqué. Quand McGregor fait son entrée pour la pesée, la foule se lève, hurle, applaudit avec entrain. On aurait pu penser l’Américain sur ses terres, alors qu’il réside à l’année à Las Vegas et y a ouvert, il y a trois mois, un club de strip tease. Aux antipodes de la ferveur que provoque son rival, il est accueilli par une majorité de sifflets. Côté engouement populaire, l’Irlandais gagne par K.-O. Alors que ce dernier vient le chambrer, Money est resté stoïque. « Un combat ne se gagne pas avec les fans (…) Sur le ring, on est seul », a-t-il simplement rétorqué.

Deuxième surprise, quand ce dernier monte sur la balance : 149,5 livres, largement en dessous du poids maximum fixé à 154 livres (69,8 kg). Son adversaire, lui, pointe à 153 livres. De quoi faire trembler ceux qui donnent le natif du Michigan vainqueur ? D’autant que The Notorious n’a rien à perdre dans ce combat, face à l’un des meilleurs boxeurs au monde, suivant les règles d’une discipline qui n’est pas la sienne.

« The Money Belt »

« Mayweather va gagner. Ce combat est une blague, sportivement il n’y a pas d’enjeu : sur ce terrain, il est meilleur, s’emporte Enrique, originaire de Los Angeles, et qui assure la sécurité aux abords de la T-Mobile Arena. Tout ça, c’est une affaire d’argent et uniquement d’argent. »

Des fans se photographient avec la « Money Belt » qui sera remportée par le vainqueur du combat, à Las Vegas (Nevada) le 25 août. / JOHN LOCHER / AP

Les nombreux magasins qui longent le Strip proposent une série de produits dérivés du combat. Sur l’un des nombreux modèles de t-shirts, on peut ainsi lire au-dessus des visages des deux combattants : « The Money Fight ». De même que la ceinture créée spécialement pour l’occasion et qui reviendra au vainqueur est surnommée la « Money Belt ». Elle est sertie de 3 360 diamants, 600 saphirs, 300 émeraudes et 1,5 kg d’or 24 carats, le tout sur du cuir d’alligator.

Bien plus que cela, ce sont les promesses financières de ce combat qui ont fait tomber les ultimes réticences des intéressés. Mayweather avait d’ores et déjà annoncé qu’il ne remonterait pas sur le ring pour moins de 100 millions de dollars. Déjà acquise, cette enveloppe pourrait grimper jusqu’à 250 millions après partage des énormes recettes de la télévision à la carte.

Le précédent « combat du siècle », Pacquiao-Mayweather, était jusqu’ici comme le duel le plus rémunérateur de l’histoire de la boxe. Et si le choc annoncé avait finalement abouti à un match décevant qui s’était décidé aux points, il avait généré plus de 400 millions de dollars en recettes télévisuelles. Selon les observateurs, le rendez-vous de samedi pourrait, lui, permettre d’en engranger pas moins de 500 millions.