De l’Irak au Liban, l’organisation Etat islamique recule sur tous les fronts
De l’Irak au Liban, l’organisation Etat islamique recule sur tous les fronts
Par Louis Imbert
L’organisation djihadiste est repoussée des frontières de la Syrie et se concentre dans son dernier repli, dans la vallée de l’Euphrate.
Carte de situation de la frontière irako-syrienne.
Le territoire que contrôle l’organisation Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie, assailli de toutes parts, ne cesse de se réduire. A l’est, après la reprise de Mossoul, la seconde ville d’Irak, début juillet, les forces armées irakiennes, appuyées par des bombardements de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, avancent dans la ville de Tal Afar, près de la frontière syrienne. Dans le même temps, les forces arabo-kurdes appuyées par la Coalition intensifient leur pression à l’intérieur de Rakka, l’ancienne capitale de l’EI en Syrie.
Quant aux forces du régime syrien, appuyées par la Russie et l’Iran, elles encerclent l’EI dans le désert de l’est du pays. Enfin à l’ouest, l’armée libanaise s’emploie à vider des poches djihadistes établies sur son territoire, à la frontière syrienne, tandis que le régime de Damas presse l’EI de l’autre côté de la frontière.
Ce grignotage du territoire du groupe djihadiste ne signifie pas pour autant sa fin : les attaques terroristes se multiplient dans la province de l’Anbar, dans l’ouest de l’Irak, où le retrait du « califat » a laissé de profondes divisions. Le groupe paraît par ailleurs s’attacher depuis des mois à transférer ses avoirs financiers hors des zones assiégées. En Europe, il a revendiqué depuis un an des attaques terroristes à Nice, Berlin et Londres, et dernièrement à Barcelone et à Cambrils, en Espagne, le 17 août. C’est la preuve que malgré son recul, l’EI maintient une capacité d’action et demeure une inspiration pour ses partisans.
En Irak : Tal Afar, dernière ville aux mains de l’EI
Sur le flanc est du territoire qui demeure sous contrôle des djihadistes, les forces armées irakiennes ont annoncé, samedi 26 août, avoir reconquis le centre de Tal Afar et sa citadelle ottomane. Proche de Mossoul, cette ville étape sur la route de la Syrie a donné à l’EI un nombre important de ses cadres. L’assaut contre la ville a été lancé le 19 août, et se poursuit dans sa périphérie.
Tal Afar et ses environs, totalement encerclés et en partie désertés, abriteraient encore plus de 10 000 personnes, contre environ 200 000 lors de sa prise par l’EI, à l’été 2014, selon la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Environ un millier de djihadistes seraient retranchés parmi ces civils.
Des milices chiites regroupées au sein de la mobilisation populaire, largement déployées dans les environs, collaborent dans cette bataille avec les forces régulières soutenues par la coalition. Tal Afar a compté, avant la prise de pouvoir de l’EI, une importante population chiite dans cette région majoritairement sunnite. Des poches de territoire irakien demeurent sous contrôle djihadistes, à Hawidja, dans le nord, et sur la frontière syrienne, dans l’ouest du pays.
Au Liban, l’armée sécurise sa frontière
Sur le flanc ouest du « califat » de l’EI, l’armée libanaise a, quant à elle, lancé le 19 août une vaste offensive pour vider sa frontière avec la Syrie de quelque 600 djihadistes, qui s’y étaient établis depuis trois ans. En une semaine, l’armée affirme avoir reconquis l’essentiel de cette zone et se concentre sur un dernier repli d’une vingtaine de kilomètres carrés.
Dans le même temps, le régime syrien et son allié, le Hezbollah libanais, menaient une attaque contre l’EI de l’autre côté de cette frontière, dans le massif du Qalamoun, prenant ainsi les djihadistes en tenaille. Jeudi, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a annoncé que l’EI avait demandé à négocier un retrait.
Selon un responsable syrien, les djihadistes pourraient se replier dans l’est syrien, dans la province de Deir ez-Zor. L’armée libanaise, peu désireuse de s’afficher comme l’alliée du régime de Bachar Al-Assad, a affirmé que ces deux assauts frontaliers n’étaient pas coordonnés.
L’offensive sur Rakka accélère
L’offensive contre Rakka a été lancée début juin par la coalition dirigée par les Etats-Unis, après sept mois d’approche et avant la fin de la bataille de Mossoul. Elle est menée au sol par les forces démocratiques syriennes (FDS), alliance de groupes arabes et kurdes, dominée par des cadres issus du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation armée régionale originaire de Turquie.
La chute de Mossoul en juillet, en libérant des forces de la coalition, lui a permis de multiplier les frappes aériennes et les bombardements sur Rakka, afin de faciliter l’avance de ses alliés. Cette accélération de la bataille a fait de nombreuses victimes parmi les civils de Rakka, utilisé par l’EI empêche la fuite et que le groupe use comme boucliers humains.
Dans un rapport publié jeudi, Amnesty international a dénoncé le caractère disproportionné des frappes de la coalition. Les djihadistes contrôlent encore 40 % de la ville, les quartiers centraux, où sont encore piégés des milliers d’habitants.
Une course vers l’est syrien
Tandis que la coalition concentre ses efforts à Rakka, le régime syrien, lui, a profité d’un calme relatif instauré à l’ouest du pays, grâce à des « zones de désescalade » négociées avec les rebelles syriens, pour avancer vers l’est de la Syrie. Depuis la mi-mai, appuyé par ses alliés russes et iraniens, Damas cherche à reprendre le contrôle des principales zones pétrolières du pays, de ressources agricoles et des routes vers l’Irak, dans la plaine de la Badia (dans le centre et le sud de la Syrie) et la vallée de l’Euphrate, une zone qui constitue le dernier repli de l’EI.
Une telle victoire lui est indispensable pour lancer un effort de reconstruction, et s’assurer un minimum d’indépendance vis-à-vis de ses alliés étrangers. Téhéran cherche quant à lui à empêcher les Etats-Unis de maintenir une zone d’influence à la frontière : des milices chiites alliées à l’Iran se sont établies du côté irakien de la frontière, et des accrochages ont déjà eu lieu en mai et en juin avec des forces américaines.
Une fois la bataille de Rakka achevée, les FDS, alliées des Etats-Unis, ont également annoncé leur volonté d’avancer dans la vallée de l’Euphrate, dans la province de Deir ez-Zor, sans s’attaquer à cette ville. Une garnison de l’armée syrienne et des civils demeurent assiégés depuis plus de deux ans par l’EI dans plusieurs quartiers de Deir ez-Zor. La coalition dirigée par les Etats-Unis a annoncé, le 10 août, qu’une « ligne de déconfliction » avait été tracée le long de l’Euphrate, afin d’éviter que ses forces n’entrent en confrontation avec celles du régime.
Avant-après : à Mossoul, les ravages de la guerre
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