Sur les Ramblas à Barcelon, le 24 août. / ALBERT GEA / REUTERS

Editorial du « Monde ». Neuf jours après les attentats qui ont frappé la Catalogne, causant la mort de quinze personnes et en blessant plusieurs dizaines, Barcelone doit accueillir samedi 26 août, en fin d’après-midi, une manifestation de solidarité qui s’annonce comme massive. La présence hautement symbolique – et inédite, dans un rassemblement populaire – du roi d’Espagne, Felipe VI, accompagné du président du gouvernement espagnol, de ses ministres, de l’ensemble des présidents des communautés régionales et des dirigeants des partis politiques nationaux, aux côtés des dirigeants indépendantistes catalans, derrière des représentants de la société civile en tête du cortège, doit illustrer la volonté des Catalans et des Espagnols d’afficher un front uni après la tragédie.

Pourtant, si, en France et ailleurs en Europe, les attentats terroristes sont généralement l’occasion d’un sursaut d’union nationale, il en va différemment en Espagne : l’unité apparente de ces derniers jours à Barcelone semble bien fragile. Dans deux semaines, pour marquer la fête nationale de la Catalogne, le 11 septembre, les mêmes artères de Barcelone seront à nouveau noires de monde, mais avec un message opposé, celui de l’indépendance de la région.

Le président de la Generalitat, Carles Puigdemont, numéro un catalan, a fait clairement savoir qu’il entendait maintenir le référendum prévu le 1er octobre sur l’indépendance de la région, référendum que Madrid récuse. Déjà, de nombreux habitants de Barcelone ont ajouté sur leur balcon la bannière du « Si » (« oui ») de la campagne pour le référendum, au drapeau catalan orné d’un ruban noir, sorti en hommage aux victimes de l’attentat.

Depuis le 17 août, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a opportunément œuvré pour ne pas faire de la gestion de l’attentat une cause de division accrue, cédant le contrôle de la communication à la police catalane, les Mossos d’Esquadra. Sur le terrain, la coopération des différentes forces de police, nationale et régionale, a été bonne et les responsables politiques ont généralement fait preuve de retenue. Mais la tentation, finalement, s’est révélée trop forte.

« Que personne ne renonce à ses idées »

Dans un entretien accordé au Financial Times, publié à la veille de la manifestation, M. Puigdemont a mis fin à cette courte trêve, accusant Madrid de se livrer à « des jeux politiques » avec la sécurité des Catalans. « Nous avions demandé [à Madrid] de ne pas faire de politique avec la sécurité, déclare le dirigeant catalan. Malheureusement, le gouvernement espagnol a d’autres priorités. » Carles Puigdemont se dit déterminé à organiser le référendum du 1er octobre, pour lequel, affirme-t-il, 6 000 urnes sont déjà prêtes : « Je ne tiens pas à aller en prison, mais rien de ce qu’ils peuvent me faire ne m’arrêtera. »

Plus mesurée, la maire de Barcelone, Ada Colau, va dans le même sens, dans un entretien publié samedi par La Vanguardia : « J’espère et je souhaite que personne ne renonce à ses idées ni à ses convictions politiques, parce que c’est précisément ce que veulent les terroristes. » Pour les nationalistes catalans, l’épreuve du terrorisme est, justement, un signe supplémentaire de la nécessité de se séparer de Madrid, pour traiter « d’égal à égal » avec l’Espagne. Nul ne sait, ni à Madrid ni à Barcelone, ce que les semaines à venir réservent à l’unité de l’Espagne. Il n’est pas impossible que les électeurs catalans fassent finalement preuve de plus de sagesse que leurs dirigeants.