Arnaud Montebourg et Boris Vallaud / ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Bien sûr, il y a des choses immuables : le poulet de Bresse est servi au déjeuner et le ban bourguignon est chanté à la fin du repas, les mains tournoyant en l’air. Décorum mis à part, ce n’est pourtant pas la forme des grands jours à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), pour la 45e édition de la traditionnelle Fête de la rose, grand raout de rentrée socialiste initiée par Pierre Joxe et repris avec succès par Arnaud Montebourg. Ce dimanche 27 août, quelque 200 personnes sont présentes, c’est quatre fois moins que l’édition précédente.

Les raisons de faire la moue sont nombreuses. Il y a un an, M. Montebourg annonçait ici sa candidature à l’élection présidentielle. La suite des douze mois qui ont suivi est connue : le champion local est éliminé de la primaire à gauche, le PS a subi deux cuisantes défaites à la présidentielle et aux législatives et sort laminé de la séquence.

M. Montebourg, en retrait de la vie politique, est là ce dimanche. Il déjeune au milieu de la tablée centrale, distribue des claironnants « saluts ! » aux visages familiers. Cela ne va pas plus loin. L’ancien ministre a bien un mot pour chacun des convives, mais rien à dire en public, ni à la presse.

« A la relève ! », trinque-t-il, verre de vin à la main. La « relève », c’est Boris Vallaud, l’invité d’honneur. Député des Landes depuis juin, ce rescapé de la déferlante En marche ! connaît bien M. Montebourg : il a travaillé avec lui au conseil général de Saône-et-Loire puis au ministère de l’économie.

Le petit nouveau de l’Assemblée se dit bien décidé à regarder vers l’avant et à participer à la reconstruction de la maison socialiste. « Il ne faut pas être nostalgique, acquiesce sa collègue Cécile Untermaier, la députée de la circonscription, merci Boris d’inaugurer une nouvelle page. » La phrase est prononcée au sens propre comme au figuré. Les Amis de la Fête de la rose, qui organisent l’événement, ont ouvert cette année un nouveau registre. Et remisé le carnet qui avait accueilli les signatures des illustres prédécesseurs, de Jacques Delors à Jean-Pierre Chevènement ou Benoît Hamon. « A mes retrouvailles, à la gauche, et à la reconquête », griffonne M. Vallaud au début du carnet neuf.

« Nous ne liquidons rien »

« Ça a été difficile, pendant ces élections, d’être de gauche, clame le député à la tribune, mais nous ne liquidons rien, nous ne cherchons pas à nous décrasser de ce que nous sommes. » Citant Victor Hugo, Léon Blum, mais aussi Jeremy Corbyn, le leader du Parti travailliste au Royaume-Uni, ou l’économiste Thomas Piketty, M. Vallaud se lance dans un plaidoyer de la gauche et de ses valeurs face à un pouvoir qui avance « sous le masque de la modernité sans se soucier de la justice ». Emmanuel Macron n’a pas selon lui pas pris « le meilleur de la gauche et le meilleur de la droite », comme revendiqué pendant la campagne, « mais bien souvent le pire de la droite ».

M. Vallaud confie « ne pas se poser la question du rôle qu’(il) doit jouer personnellement ». Mais l’élu, qui s’est fait un nom lors des débats sur la réforme du code du travail, donne à Frangy un discours aux accents de meeting de campagne. Il formule des propositions pour « diviser par deux, tous les cinq ans, le nombre d’enfants pauvres » ou prône la « reprise en main des marchés financiers ».

Le fait est que la chute d’Emmanuel Macron dans l’opinion et la succession des mesures impopulaires annoncées par le gouvernement donne le sourire aux socialistes, qui croient déjà voir le vent tourner en leur faveur. M. Vallaud met toute fois en garde contre « la confrontation des ego, des courants » qui ont par le passé « fatigué tout le monde ». « Essayons d’être plus intelligents », souffle-t-il, avant de lâcher dans un rire : « Good luck ! » (« Bon courage »).