Joao Lourenço, le 23 août à Luanda. / Bruno Fonseca / AP

Au pouvoir depuis trente-huit ans, âgé de 74 ans et malade, José Eduardo dos Santos a dû passer la main. Faute d’avoir pu imposer son fils ou son cousin qui fait fonction de vice-président, il s’est rabattu sur celui qu’il avait nommé trois ans plus tôt ministre de la défense : Joao Lourenço.

Durant la campagne, cet apparatchik du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), parti-Etat jamais vaincu dans les urnes, ne s’est jamais vraiment dévoilé. Ce général à la retraite, âgé de 63 ans, n’a pas cherché à porter un projet ou une vision. Rigide, austère et dépourvu de charisme, cet homme secret s’est efforcé de convaincre qu’il incarne la « rénovation dans la continuité ».

Face à la foule, « JLo » s’est révélé peu à l’aise, incapable de communier avec ce « peuple » pourtant invoqué dans chacun de ses discours empreints de références marxistes-léninistes. Avec près de 64 % des voix, selon des résultats contestés par l’opposition, le MPLA conserve le pouvoir et Lourenço prendra, en septembre, les rênes de cette puissance africaine, deuxième producteur de pétrole du continent.

« Ce pays n’aura pas deux présidents »

« J’aurai tout le pouvoir. Ce pays n’aura pas deux présidents », a-t-il assuré la veille de l’élection. Si dos Santos lui confie son trône, il conserve néanmoins un levier de contrôle et d’action en restant à la tête du parti. Ce qui pourrait bien réduire la marge de manœuvre du nouveau président. Ainsi une loi votée à la hâte avant l’élection le prive de la nomination des dirigeants de l’armée, des services de renseignements et de la police, reconduits pour huit ans.

« Les cadres du parti attendent du changement car il y a de plus en plus de mécontents de la gestion du clan dos Santos et de son accaparement des richesses, explique le chercheur Nuno de Fragoso Vidal, spécialiste du MPLA. Avant d’entamer ses réformes, Lourenço devra assurer la continuité de dos Santos, dont l’influence dépend de sa santé. Lourenço a un atout certain : il est très respecté au sein du parti. »

Son parcours pourrait être celui d’un cadre exemplaire du MPLA. La guerre, d’abord, contre le colon portugais. Joao Lourenço n’a alors qu’une vingtaine d’années. A l’indépendance, il dépose les armes pour aller étudier l’histoire et la stratégie militaire en Union soviétique. Puis ce fidèle de dos Santos revient combattre les rebelles de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), comme général des forces armées angolaises, soutenues par l’URSS et Cuba, avant d’être nommé secrétaire général du MPLA en 1998.

Mais au sortir de la guerre civile en 2002, il fait l’erreur d’exprimer son dessein de succéder à dos Santos qui a feint de vouloir prendre sa retraite. « JLo » est mis à l’écart près de neuf ans, durant lesquels il observe la métamorphose d’un pouvoir rendu fou par le boom pétrolier. Une période marquée par des milliards de pétrodollars détournés par la famille du président, des cadres de l’armée et du parti, qui contrôlent toujours l’économie.

« Assainir l’économie »

Ce retrait forcé lui vaut une réputation d’homme politique intègre dans ce pays parmi les plus corrompus et inégalitaires de la planète. Il détient cependant des parts de capital dans une banque aux côtés de l’épouse de dos Santos. Des sources proches de l’opposition, assurent qu’il disposerait d’un distributeur de billets dans sa villa luxueuse de Luanda et d’une kalachnikov en or dans son bureau.

Le nouveau président a promis de lutter contre la corruption et d’amorcer un « miracle économique ». Une gageure alors que l’Angola s’enfonce dans la crise, suspendu à la volatilité du cours du baril, miné par la dette et la concentration des richesses entre les mains des enfants dos Santos.

« Il n’a pas le choix : il doit faire des réformes profondes, assainir l’économie pour faire revenir les investisseurs sans pouvoir toucher au cœur du business des dos Santos, tout en évitant des mesures d’austérité », souligne Soren Kirk Jensen, de l’institut Chatham House. Le défi économique de Lourenço est considérable. « C’est l’art de faire la politique qui nous permettra d’y arriver », veut-il croire.