Teddy Riner lors de sa préparation à l’Insep. Il entre en compétition samedi. / PATRICK KOVARIK / AFP

Un an après les quatre médailles des Jeux olympiques au Brésil, les judokas de l’équipe de France débutent l’olympiade de Tokyo par les championnats du monde de Budapest, du 28 août au 3 septembre.

La superstar Teddy Riner part à la conquête d’un neuvième titre mondial. Cela fait presque sept ans que le phénomène n’a plus perdu – le 13 septembre 2010 face au Japonais Kamikawa Daiki en finale des Mondiaux toutes catégories.

Derrière Riner, qui combat samedi, les judokas françaises se présentent avec plusieurs possibilités de titre : Audrey Tcheuméo, Clarisse Agbegnenou et Priscilla Gneto. Pour la première fois, une épreuve mixte par équipes, dans laquelle la France peut briguer le titre, est aussi prévue au programme. Mais cela sera-t-il suffisant pour renverser le leadership du Japon ? Le Directeur technique national, Jean-Claude Sénaud, fait le point sur les chances tricolores.

Comment appréhendez-vous cette première grande compétition post-olympique ?

Jean-Claude Sénaud : La structuration de l’équipe de France n’a pas beaucoup changé par rapport à celle des Jeux olympiques. Nous avons une très belle équipe féminine avec des championnes confirmées, comme Audrey Tcheuméo ou Clarisse Agbegnenou, mais aussi un renouvellement avec Mélanie Clément chez les − 48 kg et Amandine Bouchard, que l’on attendait pour les Jeux, qui n’a pas fait le poids et qui sera cette fois dans sa bonne catégorie, en − 52 kg. Il y a aussi des toutes jeunes, comme Marie-Eve Gahié, 20 ans, médaillée de bronze européenne.

En ce qui concerne l’équipe masculine, derrière le grand Teddy, qui est en forme, on attend la confirmation de Cyrille Maret et on espère que des jeunes, comme Pape Ndiaye ou Walide Khyar, vont répondre présent. Grâce à ces Mondiaux, nous ferons le point pour ce début d’olympiade et nous mettrons ensuite le travail en place en vue des JO de Tokyo.

A Rio, malgré deux médailles d’argent, les défaites en finale de Clarisse Agbegnenou et d’Audrey Tcheuméo avaient été de relatives déceptions. Dans quel état d’esprit sont-elles ?

Elles arrivent avec une motivation supplémentaire. Clarisse devra à nouveau affronter sa bête noire, la Slovène Tina Trstenjak. Cela va passer à un moment ou à un autre : pourquoi pas cette fois-ci ? Celle d’Audrey Tcheuméo, l’Américaine Kayla Harrison, n’est plus là (passée au MMA, ndlr). Pour ces deux athlètes, nous visons l’or.

Championne olympique inattendue l’an passé, Emilie Andéol a connu une saison compliquée. Est-ce à cause d’une légitime décompression ?

Il y a peut-être un peu de décompression, mais il y a surtout un problème physique. Ses genoux sont quand même esquintés. C’est très difficile pour elle.

Est-ce prudent de la sélectionner ?

D’abord, on lui devait bien ça après son titre de championne olympique. Son désir est d’être désormais championne du monde. Nous avons de jeunes athlètes, comme Romane Dicko, mais on n’a pas voulu lui faire griller les étapes. Elle va disputer les championnats du monde juniors.

A trois ans des Jeux, on souhaite à Emilie d’être championne du monde, et ensuite ce seront certainement les jeunes qui prendront le relais.

N’ayant pas disputé de compétition depuis Rio, Teddy Riner n’est pas tête de série. Est-ce que cela change quelque chose pour lui ?

Le problème doit être pour les autres… Après, il est vrai que ce peuvent être des Mondiaux un peu compliqués, car il risque d’affronter des adversaires de qualité d’entrée, notamment un nouveau Géorgien et deux Japonais. Mais il est assez fort pour gérer ça.

Est-ce que cela peut donner plus de panache à une éventuelle victoire, tant il est dominateur ?

Les gens disent toujours qu’il domine trop, mais moi qui suis en permanence autour des tapis, je peux vous dire qu’il y a des gaillards en face. Teddy n’est pas le plus monstrueux physiquement. C’est une bête d’entraînement, qui s’entraîne même le week-end. Est-ce que les autres donnent autant que lui ? Lorsqu’il s’entraîne, il ne vient pas siroter une bière comme le font certains Géorgiens. En France, on aime bien les seconds, mais je vous assure qu’on a un premier et qui fait tout pour l’être.

En début de préparation, l’équipe de France est partie s’entraîner quelques jours avec la Légion étrangère à Aubagne. Dans quel but ?

On essaie de trouver à chaque fois des choses nouvelles. La Légion a un peu les mêmes valeurs que l’on veut insuffler à l’équipe de France : la reconnaissance du drapeau et l’engagement… Il fallait voir par exemple Teddy faire du VTT, sur des pentes à 18 % : il n’a pas posé pied à terre. A l’époque, il pesait 140 kg, le vélo a souffert mais on a vu le champion qui a mal et ne renonce pas. C’est le sens du combat que l’on veut donner à nos judokas.

Les Japonais dominent le judo mondial. A Astana, lors des derniers Mondiaux, ils avaient survolé la compétition, remportant huit titres. Les Bleus peuvent-ils rivaliser ?

Il sera compliqué de les accrocher. Ils sont complets dans toutes les catégories. Mais comme ça se joue au nombre de médailles d’or, on peut les titiller si on remporte quatre médailles d’or avec Riner, Tcheuméo, Agbegnenou et par équipes. L’épreuve sera mixte pour la première fois. On peut aller chercher ce titre, ce qui montrerait la valeur de notre fédération.

Depuis trois ou quatre ans, le judo voulait instaurer les épreuves par équipes aux Jeux. Le CIO répondait que cela faisait deux médailles en plus à distribuer. On a donc pensé à une compétition mixte. Il a été décidé de la mettre en place dès ces Mondiaux, car Thomas Bach, président du CIO, doit assister au tournoi, et la décision définitive devait être prise à Lima lors du prochain congrès en septembre. Finalement, le CIO a déjà donné son accord. C’est une belle image d’avoir une équipe de garçons et de filles. Cela ne peut qu’aller vers l’universalisation du judo, en incitant certains pays à développer la pratique féminine.