Progression de la tempête Harvey. | Infographie / Le Monde

La quatrième ville des Etats-Unis est sous l’eau. Le déluge provoqué par la tempête tropicale Harvey continue à s’abattre sur le Texas, et notamment sur la métropole de Houston, transformée par endroits en lacs. Et le pire des inondations reste à venir dans cet Etat du sud du pays, ont prévenu les autorités américaines, lundi 28 août, alors que la tempête a déjà fait 3 morts, selon un bilan provisoire.

Les précipitations ont déjà largement dépassé 500 millimètres depuis jeudi dans la partie du Texas frappée directement par Harvey. Certaines villes en sont à plus de 700 millimètres. Et certaines zones pourraient encore recevoir 400 à 500 mm de précipitations cette semaine, selon le service météorologique national.

L’ouragan Harvey a touché la côte texane dans la nuit de vendredi à samedi mais fait presque du surplace depuis. Rétrogradé en tempête tropicale, il inquiète désormais non plus en raison des vents mais à cause des pluies torrentielles qu’il engendre et qui ont surpris les autorités. Le service météorologique national a même dû ajouter des nuances de couleurs à ses graphiques pour représenter la quantité de pluie tombée sur le Texas.

Les prévisions sur l’évolution de la tempête sont incertaines, mais Harvey devrait se déplacer lentement vers l’est, en suivant la côte, dans les cinq prochains jours, en direction de la Louisiane et de La Nouvelle-Orléans. Le président Donald Trump a signé dès lundi une déclaration d’état d’urgence pour la Louisiane, ce qui autorise le gouvernement fédéral à coordonner les opérations de secours avec les autorités locales.

La tempête Harvey plonge le Texas sous les eaux
Durée : 01:41

Houston manque de moyens

Lundi, les images les plus dramatiques venaient de Houston, ville de 2,3 millions d’habitants complètement paralysée par des dizaines de centimètres d’eau. Les routes sont inondées, les aéroports et au moins deux hôpitaux sont fermés. Les pluies vont durer au moins jusqu’à mardi, selon la météo.

L’Agence fédérale des situations d’urgence, FEMA (Federal Emergency Management Agency), a annoncé lundi qu’elle s’attendait à devoir abriter 30 000 personnes dans des centres d’accueil temporaires. Les lignes des centres de secours 911 sont saturées d’appels, mais la file d’attente pour parler à un opérateur est descendue à 10 personnes, selon un responsable, contre entre 120 et 250 la veille.

Les autorités ont appelé les habitants à se réfugier sur les toits, et à ne pas conduire sur les routes inondées. Lundi, 2 000 personnes avaient pu être sauvées des inondations, et les secours espéraient pouvoir venir en aide à 185 personnes dans des situations critiques d’ici à la fin de la journée.

Des milliers de secouristes sillonnaient la ville pour porter assistance aux habitants les plus vulnérables, un travail de fourmi effectué avec de l’eau jusqu’à la taille ou par bateau. Mais la ville n’a pas assez d’embarcations légères pour secourir les habitants isolés, a expliqué le maire, alors que l’eau continue de monter.

Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a promis lundi qu’il fournirait quelque 150 bateaux et 300 véhicules capables de rouler sur des routes inondées pour venir en aide à la métropole. D’autres villes apportent également leur concours en personnel ou en matériel. Des forces de l’ordre supplémentaires ont aussi été dépêchées pour assurer la sécurité, en plus des 3 000 soldats de la garde nationale et des 20 hélicoptères mobilisés.

Les milliers de secours déployés à Houston manquent de bateaux légers pour évacuer les victimes. / TEXAS MILITARY DEPARTMENT / REUTERS

Les infrascructures sont aussi menacées. La FEMA, qui a déployé près de 5 000 fonctionnaires dans la région, s’attelle à fournir des générateurs électriques afin que des services essentiels, tels que les centres d’appels 911, puissent continuer à fonctionner.

Par ailleurs, la quantité d’eau est telle que deux réservoirs menaçaient de déborder, avec une montée du niveau de 150 mm par heure lundi. Le corps d’ingénieurs de l’armée, qui en a la charge, a décidé de relâcher de l’eau dans une rivière afin de contrôler autant que possible la direction des inondations. Les ingénieurs de Houston tentaient également de pomper l’eau ayant submergé une station d’épuration des eaux du nord-est de la ville, afin d’empêcher qu’elle soit mise hors service.

Le pic des inondations à venir

« C’est un événement historique. Nous n’avons jamais rien vu de tel », a répété le chef de l’Agence fédérale des situations d’urgence, Brock Long. « On n’aurait jamais pu imaginer de telles prévisions. » Le pic des inondations ne devrait être atteint que mercredi ou jeudi, a prévenu Louis Uccellini, directeur du Service météorologique national, lors d’une conférence de presse à Washington.

« Les mêmes endroits vont subir la pluie pendant les prochains jours », explique Brian McNoldy, chercheur spécialisé dans les ouragans à l’université de Miami. « C’est assez inhabituel » qu’un ouragan fasse du surplace, « possiblement pendant six jours ».

Le pic des inondations est attendu mercredi ou jeudi au Texas, d’après le service météorologique national / CHARLIE RIEDEL / AP

D’après le dernier bulletin du Centre national des ouragans, entre 380 et 630 mm de pluie devraient encore y tomber d’ici à jeudi, pouvant provoquer un cumul allant jusqu’à 1 270 mm. Soit près d’une année de précipitations en moyenne.

« Quand l’eau aura baissé, nous nous mettrons à la reconstruction, et cela prendra plus d’un an », a estimé le gouverneur, Greg Abbott, sur Fox News. La question du financement des réparations et de la reconstruction au Texas commençait déjà à se poser lundi, notamment parmi les élus du Congrès.

Lundi, la tempête menaçait également la Lousiane. Toujours selon le Centre national des ouragans, entre 380 et 630 mm de pluie étaient attendus dans le sud-ouest de l’Etat. Plus à l’est, le sud de la Louisiane attend jusqu’à 380 mm de précipitations.

Tension sur la production de pétrole

La côte texane accueille près d’un tiers des capacités de raffinerie de pétrole des Etats-Unis, et le golfe du Mexique 20 % de la production états-unienne. Jusqu’à présent la tempête Harvey a provoqué l’arrêt de près de 22 % de la production du golfe du Mexique, et environ 26 % de la production de gaz naturel. Les analystes de la banque Goldman Sachs estiment que la production totale des Etats-Unis serait touchée à hauteur de 11 %.

Par prudence, plus de 14 % des installations ont été fermées dans le golfe du Mexique, selon le Bureau de régulation de l’environnement et de la sécurité (BSEE). Le grand groupe pétrolier ExxonMobil avait aussi annoncé dimanche l’interruption des activités de son site texan de Baytown, l’un des plus grands du monde.

Une raffinerie sur le canal de Houston, sous les eaux, dimanche 27 août. / THOMAS B. SHEA / AFP

Lundi, l’autorité américaine de surveillance des industries chimiques (CSB) a, elle, émis un bulletin d’alerte sécurité exhortant les raffineries pétrolières et pétrochimiques à la plus grande prudence lors du redémarrage de leurs activités ; un processus délicat qui pourrait se révéler plus long que prévu.

Des fermetures supplémentaires de raffineries pourraient avoir lieu dans les prochains jours en raison de la lente progression de la tempête, a précisé James Williams, de WTRG Economics, à l’Agence France-Presse. Et donc engendrer des dommages plus importants.

Toutes ces incertitudes faisaient grimper lundi les prix de l’essence cotée sur la plate-forme de l’opérateur CME. Ils étaient en hausse de 3,06 % lundi après-midi par rapport à la clôture de vendredi. Le gallon d’essence – un gallon équivaut à 3,78 litres – est monté dimanche soir dans les échanges électroniques jusqu’à près de 1,78 dollar, son plus haut niveau depuis juin 2015.

Katrina dans toutes les têtes

Lundi, des zones entières du Texas étaient encore inaccessibles ou submergées, et le gouverneur Abbott a estimé qu’il était trop tôt pour donner un bilan humain. Le maire de Houston, le démocrate Sylvester Turner, a quant à lui dû justifier sa décision de ne pas ordonner une évacuation préventive : « Vous ne pouvez pas mettre 2,3 millions de personnes sur la route, c’est dangereux », a-t-il argué. Le gouverneur de l’Etat du Texas s’est refusé à toute polémique sur le sujet.

Donald Trump, qui vante depuis plusieurs jours la coordination entre autorités fédérales et locales, doit se rendre au Texas mardi.

L’objectif principal des autorités est d’éviter de reproduire les erreurs de 2005, lorsque le manque de préparation et les défaillances de l’Etat fédéral avaient eu des conséquences dramatiques lors du passage de l’ouragan Katrina. Plus de 1 800 personnes avaient perdu la vie à La Nouvelle-Orléans et en Louisiane voisine.

Les images des inondations sans précédent causées par Harvey, au Texas