Nasser Bourita, le ministre marocain des affaires étrangères, le 3 mai 2017, à Madrid. / GERARD JULIEN/AFP

Une bagarre de cour d’école en costume cravate. La scène est surréaliste : jeudi 24 août, quelques minutes avant l’ouverture d’un sommet ministériel Afrique-Japon organisé à Maputo, la capitale du Mozambique, des diplomates en sont venus aux mains. À l’origine de la dispute, le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, s’est indigné de la présence de représentants de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), l’ennemi juré du Maroc, invités par le Mozambique.

« C’était d’une grande confusion. Des diplomates marocains ont attrapé un représentant sahraoui et ils se sont mis à se battre. La sécurité est intervenue pour les séparer. Les Japonais ont ensuite tout fait pour mettre les journalistes à l’écart », relate au Monde Afrique Rafael Ricardo, un journaliste du quotidien mozambicain Mediafax, présent au moment de l’incident.

Cette première altercation a ensuite rapidement dégénéré : une vidéo postée par le journal marocain TelQuel et abondamment relayée sur les réseaux sociaux montre le ministre Bourita se faire tirer en arrière avant de s’extirper de la foule et de se faire barrer l’accès à la salle. « S’il vous plaît, c’est le ministre des affaires étrangères », lance, désespéré, un membre de sa délégation, au milieu des cris et des bousculades.

Altercation à Maputo: La délégation marocaine malmenée lors du sommet Ticad
Durée : 01:38
Images : TelQuel

Nasser Bourita a finalement pu entrer et assister à la cérémonie d’ouverture, qui a débuté avec trois heures de retard. Les représentants de la RASD, dont le ministre des affaires étrangères Mohamed Salem Ould Salek, ont, eux, été invités à prendre place au sein de la délégation mozambicaine, au grand dam de la partie marocaine.

Offensive diplomatique

À Rabat, la réaction ne s’est pas fait attendre. L’attitude du Mozambique, qualifiée de « cavalière », a été copieusement critiquée dans les médias du royaume chérifien. « Les autorités mozambicaines ont voulu imposer dans cette réunion la présence de l’entité chimérique qui n’a pas été invitée par la partie japonaise », a rapporté l’agence de presse marocaine MAP. Le Japon n’aurait pas invité la RASD comme pays à part entière et se serait opposé à sa participation, est-il souligné.

Irrité, le Mozambique a condamné, mardi 28 août, « l’attitude déplorable de [l] a délégation » marocaine et un « manque choquant de décorum et de respect ». « Le Maroc s’est arrogé le droit de contrôler les accès aux salles de conférences et a eu recours à la violence », peut-on lire dans un communiqué du ministère des affaires étrangères. « Puisque le Maroc est membre de l’Union africaine, le Mozambique manifeste son étonnement et son aversion envers ce comportement dirigé contre un autre membre de l’organisation et une violation inacceptable des principes qui régissent les relations entre États. »

Depuis le grand retour, fin janvier, du Maroc au sein de l’Union africaine, le royaume chérifien mène une offensive diplomatique pour discréditer la RASD et son gouvernement en exil, le Front Polisario. Soutenu par l’Algérie, celui-ci réclame depuis plus de quarante ans l’indépendance du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole en grande partie contrôlée militairement par Rabat.

Or le Front de libération du Mozambique (Frelimo), le parti au pouvoir à Maputo, est un vieil allié du Polisario. En février dernier, le président de la RASD, Brahim Gali, a été reçu en visite officielle à Maputo avec tous les honneurs d’un chef d’Etat. « La cause du peuple sahraoui est aussi la cause du peuple mozambicain », avait alors déclaré le président Filipe Nyusi. D’un bout à l’autre du continent, il n’y a pas que géographiquement que le Maroc et le Mozambique se tournent le dos.