Bernie Sanders à Detroit, le 22 août. / Robin Buckson / AP

On imaginait assister à une séance de dédicaces de Bernie Sanders précédée d’un discours, dans une librairie cosy. On a eu droit à un prêche, dans l’immense nef de l’église de Riverside, au cœur de l’université de Columbia, dans le nord de Manhattan. Lundi 28 août, le sénateur démocrate du Vermont présentait son livre à paraître mardi, Bernie Sanders Guide to Political Revolution (Henry Holt & Company, non traduit) sous le regard d’un immense Christ-Roi. Devant 500 participants-militants, qui avaient payé 25 dollars sur Internet pour assister à une réunion à guichets fermés et repartir avec l’ouvrage.

Le candidat malheureux à la primaire démocrate face à Hillary Clinton, seul dans le chœur, a préféré invoquer l’héritage de Martin Luther King : le pasteur noir, combattant des droits civiques, avait prononcé en ce même lieu, le 4 avril 1967, un discours contre la guerre du Vietnam, hors de son champ habituel d’action. « Il avait eu le droit d’être condamné par 160 journaux », a rappelé Bernie Sanders. Comme King, le sénateur du Vermont veut poser les questions qui dérangent, tant pis pour les médias dominants sans cesse égratignés.

« Bernie-le-message »

Il poursuit la campagne présidentielle qu’il n’a jamais interrompue. « La révolution, ce n’est pas Bernie, c’est vous », lance-t-il à l’assistance, qui brandit ses pancartes « Bernie 2020 », espérant qu’il sera candidat à la fin du mandat Trump en dépit de ses 79 printemps. Certains sont mitigés, à l’image d’Alexis, jeune doctorante en sciences politiques qui espère qu’une nouvelle génération va émerger : « On n’a pas besoin de Bernie-le-candidat, mais de Bernie-le-message », confie la jeune femme.

Le livre est dédié à la jeunesse de 2017, « la génération la plus progressiste qu’ait connue ce pays », selon M. Sanders. Graphiques, slogans, pédagogie, l’ouvrage de 223 pages est un kit du jeune contestataire. « Vous vous êtes opposés au racisme, au sexisme, à l’homophobie et à l’oligarchie. Vous comprenez que la cupidité et le niveau grotesque des inégalités que nous vivons ne sont pas ce que doivent être les Etats-Unis. Vous savez que le changement climatique est réel. Le but de ce livre est de convertir cet idéalisme et cette générosité d’esprit en activité politique », proclame l’orateur.

Truffé de chiffres édifiants, le discours est un mélange d’arguments économiques et moraux, surtout lorsqu’il s’agit de lutter contre les inégalités : « Lorsque nous aidons les pauvres, nous devenons plus humains, nous devenons meilleurs », exhorte M. Sanders, rappelant que les six hommes les plus riches de la planète possèdent davantage que 3,7 milliards de personnes. Et d’appeler à une révolution politique aux Etats-Unis, pour avoir un système « où chacun a une voix, où vous avez une voix et pas où les milliardaires achètent les élections ».

Faire payer Wall Street

Donald Trump est attaqué, moqué, traité de menteur, mais au fond moins que le Parti démocrate : « Pourquoi Trump a-t-il gagné ? Ce serait une erreur de croire que ses électeurs ne sont que des racistes ou des homophobes. Ce n’est pas lui qui a gagné l’élection, mais le Parti démocrate qui l’a perdue. » Tonnerre d’applaudissements par une assistance qui a surtout voté Hillary Clinton à la primaire démocrate, mais cherche une autre voie après sa défaite. Ambiance qui en dit long sur les déchirements à venir du Parti démocrate. « Trump a dit : “Je vois cette douleur, je veux la soigner”, analyse M. Sanders, qui note que les gens sont en colère et ils ont raison de l’être car le système a failli. »

Vient ensuite son programme, dont on retiendra trois engagements majeurs qui séduisent l’assistance : doubler le salaire minimal, aujourd’hui à 7,25 dollars de l’heure (6 euros), « un salaire de famine » ; mettre en place un service de la santé universelle – « Les Etats-Unis sont le seul pays développé à ne pas l’avoir fait » – et il fera une proposition au Congrès courant septembre ; gratuité des études, « chemin vers la liberté ».

Cette dernière mesure coûte cher ? La solution : faire enfin payer Wall Street, qui a plongé tant de gens dans la misère lors de la grande crise financière, en leur prenant emploi, maison et retraite. Nouveaux applaudissements devant une assistance jeune et plutôt chic, le tout à 15 kilomètres au nord du quartier financier. Le « socialiste » Sanders le sent, ses idées inimaginables il y a quinze ans sont au cœur du débat.