Au quatrième jour consécutif de pluies impressionnantes, l’eau s’est soudain mise à monter mardi 29 août, dans les parties basses de Bombay, qui abrite un peu plus de 21 millions d’habitants. / PUNIT PARANJPE / AFP

Seul Ganesh, le dieu éléphant, ne s’est rendu compte de rien. Le festival annuel qui l’honore bat actuellement son plein et des dizaines de milliers d’hindous ont procédé, mardi 29 août, aux traditionnelles immersions de statues à son effigie sur la plage de Girgaum Chowpatty, à Bombay, comme si de rien n’était. La mégalopole était pourtant en train de vivre l’une des plus grandes catastrophes climatiques de son histoire récente.

Au quatrième jour consécutif de pluies impressionnantes, comme la mousson en réserve parfois dans le sous-continent entre la mi-juin et la mi-septembre, l’eau s’est soudain mise à monter mardi matin dans les parties basses de la métropole qui abrite un peu plus de 21 millions d’habitants. Rapidement, la situation est devenue très critique, car hormis dans les quartiers historiques de Fort et Colaba, que les Britanniques avaient équipés de canalisations souterraines au XIXe siècle, l’essentiel de l’agglomération est dépourvu d’égouts. En outre, une marée de fort coefficient était attendue dans l’après-midi, empêchant l’écoulement des eaux de surface de part et d’autre de cette ville péninsule bordant la mer d’Arabie, sur la côte ouest de l’Inde.

De l’eau jusqu’à la taille

La totalité des réseaux ferroviaires s’est retrouvée paralysée et les averses torrentielles ont piégé des centaines de milliers de gens dans les gares dont les voies ont été transformées en rivières tumultueuses, comme dans le faubourg de Mulund. Dans les rues, où les piétons tentaient de se déplacer avec de l’eau parfois jusqu’à la taille, des dizaines d’arbres sont tombés à terre alors que voitures et deux-roues, noyés par des flots boueux, partaient à la dérive.

En raison des inondations qui paralysent une partie de la ville de Bombay, de nombreux vols et trains au départ et à l’arrivée de la métropole indienne ont été annulés, mardi 29 août. / Rajanish Kakade / AP

Peu après midi, l’aéroport international Chhatrapati-Shivaji a demandé aux avions de se détourner vers d’autres villes. Même le « Sealink », le célèbre pont à haubans qui relie depuis 2009 le nord et le sud de Bombay, a dû être fermé, en raison des bourrasques et des quantités d’eau invraisemblables qui le balayaient. Cela ne lui était jamais arrivé.

Face à cet événement, inattendu par son ampleur, les écoles ont appelé les parents d’élèves pour leur demander de venir chercher leurs enfants, tandis qu’entreprises et administrations renvoyaient leurs employés chez eux. La police, dépassée par les événements, avait auparavant appelé la population, sur Twitter, à « ne pas paniquer », à « quitter les bureaux » et, une fois rentrés à la maison, à « rester à l’abri, sauf obligation très importante ». Elle a également cherché à dissuader les curieux d’aller se promener sur le front de mer, où d’énormes vagues s’écrasaient sur les digues.

L’électricité coupée dans plusieurs quartiers

Les services météorologiques ont indiqué en fin de journée qu’il était tombé 297,6 millimètres de pluie entre 8 h 30 et 17 h 30, record absolu pour une durée aussi courte. Les habitants de Bombay se sont tous remémoré la funeste journée du 26 juillet 2005, lors de laquelle la vie s’était arrêtée en raison d’inondations historiques qui avaient provoqué la mort de plus de 500 personnes. Selon le service des catastrophes naturelles de la municipalité (Brihanmumbai Municipal Corporation, BMC), ce fut pire à l’époque mais la situation pourrait toutefois devenir très critique, car des pluies diluviennes sont attendues pour les prochaines quarante-huit heures. « Trente mille agents municipaux ont été déployés sur le terrain » pour, notamment, mettre en route quelque 140 pompes, a-t-elle fait savoir. Par prudence, l’électricité a été coupée durant quelques heures pour éviter les électrocutions, dans des quartiers très denses en population comme Bandra, Ghatkopar et Chembur, ainsi que dans l’immense bidonville de Dharavi.

Comme à chaque coup dur qui la frappe, Bombay a gardé le sourire et immédiatement démontré un sens inné de la solidarité. Cet « esprit louable », salué par les gazettes locales Mumbai Mirror et Mid-Day, s’est exprimé à travers la disponibilité des chauffeurs de taxis et de rickshaws, prêts à embarquer dans leur véhicule un nombre inavouable de passagers sans les faire payer. L’heure du bilan et des leçons à tirer de cette journée exceptionnelle viendra plus tard. L’absence de plan d’urbanisme et l’impéritie des autorités seront certainement dénoncées. Il sera en revanche difficile de s’en prendre à la mousson. Malgré les apparences, les pluies de 2017 n’ont pour l’instant fourni à Bombay, selon les quartiers, qu’entre 71 % et 86 % des quantités nécessaires à l’alimentation en eau de la ville pendant les neuf mois de saison sèche.