Le président camerounais Paul Biya, ici devant ses partisans lors de la conférence du parti au pouvoir, à Yaoundé, en septembre 2011. / AFP

Le président camerounais Paul Biya a décrété mercredi 30 août l’arrêt des poursuites judiciaires « pour actes de terrorisme » contre des leaders de la minorité anglophone en lutte depuis novembre dernier contre le pouvoir central de Yaoundé.

Le président de la République a ordonné « l’arrêt des poursuites pendantes devant le tribunal militaire de Yaoundé contre les nommés Nkongho Agbor Félix, Fontem Aforteka’a Neba, Paul Ayah Abine », a indiqué Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence, dans un communiqué lu sur les ondes de la radio d’Etat.

Le sort incertain de « BBC »

Le président a ainsi cité le nom de trois leaders anglophones, actuellement emprisonnés et jugés devant le tribunal militaire de Yaoundé. Une nouvelle audience de leur procès venait d’être reportée du 29 août au 5 septembre.

Félix Agbor Nkongho et Neba Fontem Aforteka’a sont les leaders du Cameroon anglophone civil society consortium (Cacsc), mouvement interdit en janvier par les autorités après un appel à la grève dans les deux régions anglophones (sur dix régions au total).

La mesure concerne aussi « certaines autres personnes interpellées dans le cadre des violences survenues ces derniers mois dans les régions (anglophones) du nord-ouest et du sud-ouest » , ajoute le texte présidentiel.

Le nom d’un autre leader anglophone, l’animateur de radio Mancho Bibixy alias « BBC », n’est pas cité, sans que l’on sache encore s’il bénéficie ou non de cette mesure.

« Le chef de l’Etat réaffirme néanmoins sa détermination à combattre sans relâche les ennemis de la paix et du progrès, les chantres de la division et les criminels de tout acabit, qui, sous le couvert de revendications politiques, essayent de prendre en otage l’avenir de notre pays, et tout particulièrement de notre jeunesse. Ils répondront de leurs actes devant la justice » , poursuit le texte présidentiel.

Grèves à répétition

Au total près d’une trentaine d’anglophones étaient poursuivis pour « co-action d’actes de terrorisme, hostilité contre la patrie et rébellion », selon l’acte d’accusation.

Depuis novembre 2016, la minorité anglophone - environ 20 % de la population camerounaise estimée à 22 millions - proteste contre ce qu’elle appelle sa marginalisation. La grève des avocats, suivie de celle des enseignants, a dégénéré en crise socio-politique dans les deux régions anglophones, au point de menacer le bon déroulement de l’élection présidentielle prévue en 2018, d’après les experts.

Certains anglophones exigent le retour au fédéralisme alors que d’autres réclament la partition du pays. Deux solutions que refuse Yaoundé.

L’existence d’une minorité anglophone est un héritage de l’histoire du Cameroun. A la fin de la Première guerre mondiale, la tutelle de l’ex-colonie allemande a été confiée à la France et à la Grande-Bretagne (pour la partie frontalière du Nigeria). A l’indépendance en 1960, le Cameroun a été une République fédérale jusqu’en 1972, avant de devenir une République unie.

Une chaîne de télé indépendantiste

Par ailleurs, une chaîne de télévision indépendantiste anglophone a suscité mardi 29 août la colère du gouvernement qui a demandé son arrêt « sans délai » en dénonçant son « caractère séditieux et haineux ».

Sur sa page Facebook, la Southern Cameroon Broadcasting Corporation (SCBC TV), diffusée depuis quelques semaines uniquement en ligne, se présente comme « la voix de l’Ambazonie », du nom de la république indépendantiste que certains anglophones veulent créer pour rompre avec la majorité francophone du pays. La Scbc tv appelle par exemple au boycottage de la prochaine rentrée scolaire prévue le 4 septembre.