Le premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, son homologue belge Charles Michel et Emmanuel Macron, mardi 29 août au château of Senningen, à Luxembourg. / Olivier Matthys / AP

Rien n’a été laissé au hasard pour cette visite du président français au Luxembourg, mardi 29 août au soir. Le dîner avec le premier ministre Xavier Bettel et son homologue belge Charles Michel (également convié) dans le cadre verdoyant du château de Senningen, propriété du Grand-Duché, fut l’occasion pour Emmanuel Macron de mettre en scène un début de « coalition des bonnes volontés » autour de ses projets de réforme pour l’Union européenne (UE).

Il l’avait dit le matin même, à Paris, lors de son discours de rentrée aux ambassadeurs : le président compte proposer « après les prochaines élections allemandes, dans quelques semaines donc », « de nouvelles avancées pour une relance de notre Europe ». Sa toute récente tournée de trois jours (Autriche, Bulgarie, Roumanie) était surtout consacrée à la promotion de sa révision de la directive de 1996 sur le travail détaché, mise sur la table à Bruxelles fin mai, dans la foulée de son élection. M. Macron espère réunir une majorité qualifiée d’Etats membres pour adopter le texte lors d’un conseil des ministres des affaires sociales le 23 octobre, et a besoin pour y parvenir de diviser le « camp » de l’Est, très hostile à cette révision censée lutter contre le dumping social.

Ces deux derniers jours, le président français a inauguré une nouvelle « séquence ». Il prépare le terrain pour « une dizaine » de projets de réforme plus ambitieux, à commencer par des propositions pour une plus grande intégration politique et économique de l’eurozone. Le Conseil européen des 19 et 20 octobre sera décisif pour obtenir l’assentiment de ses pairs et lancer un chantier de si longue haleine. Lundi 28 août, M. Macron a commencé à en parler de manière informelle à la chancelière Angela Merkel et aux premiers ministres espagnol Mariano Rajoy et italien Paolo Gentiloni, en marge d’un sommet à Paris consacré aux migrations et à la Libye.

« Avant-garde »

Mardi, à Luxembourg, il est allé au-devant de deux alliés presque naturels, la Belgique et le Luxembourg, deux indéfectibles soutiens de l’Union. « Nous sommes des pays amis qui œuvrent depuis soixante ans à l’intégration européenne », a souligné M. Bettel. La proximité, voire la complicité entre le Luxembourgeois, Charles Michel et Emmanuel Macron est évidente, et les trois « quadras » du circuit européen en ont joué abondamment dans le Grand-Duché. Même costume-cravate bleu anthracite, même génération, mêmes familles politiques libérales.

Pas question, a insisté M. Macron mardi, de prétendre convaincre l’ensemble des 27 membres de l’Union (sans le Royaume-Uni, sur le départ) d’avancer ensemble, assumant un développement de l’Europe « à plusieurs vitesses ». « La zone euro durant les cinq dernières années de crise n’osait pas se réunir en format zone euro. Pourquoi ? L’argument évoqué était que cela fâcherait le Royaume-Uni et la Pologne », a souligné M. Macron. « Nous ont-ils remerciés ? Sont-ils plus désireux d’Europe ? », a t-il ajouté, dans une allusion appuyée au processus du Brexit et aux dérives de Varsovie vis-à-vis de l’Etat de droit en Europe.

Même s’il restreint son ambition à une « avant-garde », la partie s’annonce délicate pour le président français. Certes, la « macronmania » perdure à Bruxelles, mais il ne pourra espérer faire bouger les lignes dans l’Union qu’à condition d’apporter la preuve que la France veut durablement maintenir son déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut.

Sur le fond, les discussions risquent aussi d’être vives. Même avec le Benelux. Un exemple ? La fiscalité. M. Macron souhaite une harmonisation fiscale dans la zone euro : convergence des taux, standardisation du calcul de l’assiette taxable. La Commission a fait une proposition dans ce sens fin 2016, mais le Luxembourg s’y est jusqu’à présent opposé, même s’il ne refuse pas d’en « discuter », a précisé M. Bettel mardi.

Un « Fonds monétaire international à l’européenne »

C’est bien sûr avec les Allemands que les tractations seront déterminantes. M. Macron devrait se garder de détailler ses projets avant les élections fédérales du 24 septembre. Durant la campagne présidentielle, il avait réclamé un Parlement, un ministre des finances et un budget pour la zone euro. Bien partie pour effectuer un quatrième mandat, la chancelière a laissé entendre mardi qu’elle n’est pas contre l’idée d’un ministre européen des finances.

Mais Mme Merkel a semblé reprendre à son compte une proposition de son ministre des finances, Wolfgang Schäuble, consistant à transformer le Mécanisme européen de stabilité (principal créancier de la Grèce) en Fonds monétaire européen. « Cela pourrait nous permettre de montrer au monde que nous disposons de tous les mécanismes pour bien réagir face aux situations imprévues », a déclaré la chancelière allemande. Le problème, c’est que M. Schäuble rêve que ce « Fonds monétaire international à l’européenne » récupère la surveillance budgétaire des pays, dévolue à la Commission. Au lieu de devenir l’embryon d’un Trésor européen, comme l’espère l’Elysée, qui juge « très dangereuse », la proposition de M. Schäuble.