Emmanuel Macron, à Luxembourg, le 29 août. / FRANCOIS LENOIR / REUTERS

Emmanuel Macron restera toujours Emmanuel Macron : transgressif au risque d’être clivant, offensif quitte à bousculer. C’est en substance ce qui ressort du premier grand entretien accordé par le président de la République à l’hebdomadaire Le Point, à paraître jeudi 31 août. Dans cette interview fleuve – plus de vingt pages – le chef de l’Etat, en chute dans les sondages trois mois après son arrivée à l’Elysée, revient sur les débuts de sa présidence et assume tout.

S’il dit entendre « l’impatience du peuple » et n’oublie pas les circonstances de son élection face à l’extrême droite – « la brûlure de l’attente, de la colère, du populisme, je l’ai encore là », précise-t-il en désignant sa nuque – Emmanuel Macron explique vouloir être jugé sur la durée et défend toutes les décisions prises depuis son investiture. Code du travail, éducation, aides sociales, fiscalité, logement, sécurité… le chef de l’Etat martèle sa volonté de mener des réformes de grande ampleur pour refaire de la France « une grande puissance tout court ».

Le président trentenaire entend toujours s’appuyer sur son propre symbole pour combattre « l’esprit de défaite » et renverser un « monde ancien » encore vivace et décidé selon lui à « faire échouer la France ». « Je crois en la reconstruction d’un héroïsme politique, d’une vraie ambition, pour atteindre y compris ce qui est décrit comme impossible », dit-il, citant sa victoire en mai comme une revanche sur « ce qui est décrété impossible ».

Pas de regrets

Dans cet entretien qui relève à la fois de l’exercice de remotivation de ses troupes saisies pour la première fois par le doute et de la mise en perspective pédagogique de son projet, Emmanuel Macron se place dans l’urgence de l’action et dans le temps long. Pas question donc, prévient-il, de juger sa présidence sur cent jours, qui « ne sont pas une étape pertinente » car « on ne fait pas les choses en cent jours ».

Ainsi de la réforme par ordonnances du code du travail présentée jeudi 31 août, qui n’est à ses yeux qu’une des pierres, avec celles à venir de l’assurance-chômage, de la formation professionnelle et des retraites, de sa « révolution copernicienne » pour changer le modèle social français et faire baisser durablement le chômage de masse. « Il faut réaliser [la réforme du travail] tout de suite, car cela met du temps à se décliner dans les comportements et à produire ainsi tous ses résultats (…) Cela prend entre dix-huit et vingt-quatre mois pour infuser », détaille le chef de l’Etat.

Des polémiques de l’été qui ont entamé sa popularité, Emmanuel Macron ne regrette rien. Le bras de fer avec les armées et la démission de son chef d’état-major, le général Pierre de Villiers ? « Une tempête dans un verre d’eau », balaie le président pour qui « les armées ne font pas ce qu’elles veulent ». Les critiques de son prédécesseur à l’Elysée, François Hollande, contre des « sacrifices inutiles » ? « Il serait étrange que l’impossibilité qui a été la sienne de défendre son bilan devant les Français puisse motiver une tentation, dans les années qui viennent, de le justifier devant les journalistes », cingle-t-il.

Contre « une société de statuts »

Sur le champ économique et social, le chef de l’Etat assume les coupes budgétaires des dernières semaines. « Le gouvernement n’avait pas d’autre choix que de trouver des économies en urgence au vu de ce qu’a révélé au début de l’été la Cour des comptes », explique-t-il. Il justifie donc la diminution des emplois aidés, « des subventions déguisées vers les collectivités locales ou le secteur associatif » qui sont « trop souvent une perversion de la politique de l’emploi ». Il défend également la baisse controversée de 5 euros de l’allocation personnalisée au logement (APL) et compte même aller plus loin dans le cadre d’une « transformation profonde » de la politique du logement « qui doit faire baisser les loyers ».

Il reconnaît que la hausse programmée de la CSG pour financer la baisse des cotisations salariales demandera un « effort » aux retraités « les plus aisés », en faveur des jeunes et des actifs. « Qui est le grand sacrifié ? Le jeune, le peu qualifié, l’immigré ou le descendant d’immigré », explique Emmanuel Macron, qui renoue dans Le Point avec ses accents de campagne contre « une société de statuts » qui ne profiterait qu’aux « insiders » du système. Enfin, le président promet « une révolution de l’éducation », avec notamment la fin du tirage au sort pour entrer à l’université, et une transformation de l’orientation « dès le début du lycée » pour « rendre l’accès au supérieur plus transparent, clair et pratique ».

Au plan international, Emmanuel Macron dit vouloir refonder « une Europe qui protège » aussi bien au niveau commercial que militaire, pour devenir « leader du monde libre » face aux puissances américaine et chinoise. Il entend toujours convaincre les pays de la zone euro de se doter d’un budget commun pour ­investir à grande échelle sur le continent.