Le metteur en scène et cinéaste Kirill Serebrennikov à sa sortie du tribunal à Moscou, le 23 août 2017. / ALEXANDER ZEMLIANICHENKO/AP

La mobilisation s’intensifie en Europe autour de Kirill Serebrennikov. Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature, a signé une pétition lancée par Thomas Ostermeier, le directeur de la Schaubühne de Berlin, pour demander que cessent les poursuites contre le metteur en scène et cinéaste russe, assigné à résidence à Moscou, après avoir été arrêté dans la nuit du 21 au 22 août à Saint-Pétersbourg, où il tournait un film. Kirill Serebrennikov (47 ans), qui assure la direction artistique du Centre Gogol, un lieu très dynamique où se presse une jeunesse moscovite, est accusé d’avoir détourné 68 millions de roubles (environ un million d’euros) de subventions. Son assignation à résidence s’applique jusqu’au 19 octobre mais celle-ci peut être prolongée le temps de la préparation du procès à venir.

L’arrestation et l’inculpation de Kirill Serebrennikov font suite à des perquisitions menées en mai, ainsi qu’à la déprogrammation brutale, en juillet, du ballet Noureev qu’il avait mis en scène au Théâtre Bolchoï – au motif inavoué de « propagande homosexuelle » – et au retrait de son passeport. Deux collaborateurs du metteur en scène avaient alors été placés en détention provisoire, et un troisième, en résidence surveillée. Ces mesures avaient suscité un vif émoi dans le monde de la culture, dans et hors Russie. Le 23 août, Kirill Serebrennikov, qui, dans un premier temps, avait été entendu en tant que simple témoin, a été accusé par le Comité d’enquête, le bras judiciaire du Kremlin, de fraude « massive ». Il risque dix ans de prison.

« Un ami et un artiste engagé »

Dès l’annonce de l’arrestation du metteur en scène qu’il considère comme « un ami et un artiste engagé », Thomas Ostermeier et son dramaturge, Marius von Mayenburg, ont organisé une manifestation devant l’ambassade de Russie à Berlin. Dans le texte de la pétition qu’ils ont ensuite lancée, ils demandent au ministère russe d’« abandonner la procédure pénale, ainsi que toutes les accusations spécieuses et fallacieuses » contre Kirill Serebrennikov, dont ils précisent qu’il doit maintenant porter un bracelet électronique, qu’il lui est interdit d’utiliser Internet et d’envoyer des courriels, et qu’il ne peut avoir de contacts qu’avec les membres les plus proches de sa famille.

Thomas Ostermeier et Marius von Mayenburg demandent également au gouvernement allemand d’intervenir « avec la plus extrême fermeté afin que Kirill Serebrennikov ne se retrouve pas en prison suite à la campagne de diffamation aux motifs purement politiques dont il est victime.»

Mise en ligne dimanche 27 août, la pétition avait reçu plus de 10 000 signatures mercredi 30, dont celles de Cate Blanchett, Sophie Calle, Lars Eidinger, David Harrower, Tony Kushner, Edouard Louis, David Harrower, Simon McBurney, Falk Richter, Milau Rau, Geoffroy de Lagasnerie, Danis Tanovic, Sergei Newski, Didier Eribon, Julian Rosefeldt, Maren Ade, Igor Levit, Nina Hoss, Völker Schlöndorff… Quatre versions de la pétition sont en ligne, en anglais, allemand, russe et français (« Liberté pour Kirill Serebrennikov »).