Anushka Sharma et Shahrukh Khan dans « Jab Harry Met Sejal », lointain remake de « Quand Harry rencontre Sally ». / CAPTURE D’ÉCRAN WEB

Une icône est-elle en train de chuter à Bollywood ? Début août, Jab Harry Met Sejal (« Quand Harry rencontre Sejal »), dernier film de l’acteur superstar Shahrukh Khan, sortait en Inde et connaissait un échec retentissant. Depuis, le cinéma indien se demande comment celui qui est considéré depuis vingt ans comme le Tom Cruise du sous-continent, objet d’un quasi-culte dans le pays, a pu se fourvoyer dans un tel navet.

Réalisé par Imtiaz Ali (dont les deux longs-métrages Jab We Met et Love Aaj Kal connurent de grands succès commerciaux à la fin des années 2000), Jab Harry Met Sejal est le plus gros fiasco de ces dernières années pour Shahrukh Khan et son épouse, Gauri, producteurs du film avec leur société Red Chillies. Au bout de trois semaines en salle, il n’a recueilli que 620 millions de roupies (8,2 millions d’euros) de recettes et a été déprogrammé par la plupart des distributeurs.

Un blockbuster présumé

Selon le site Bollywood Hungama, la société NH Studioz, qui a acheté les droits pour le marché indien pour un montant de 800 millions de roupies (10,6 millions d’euros), réclame déjà à l’acteur un remboursement de son avance sur recettes. Le cinéma en langue hindi en a vu d’autres, mais c’est la première fois qu’un blockbuster présumé, avec une mégastar à l’affiche comme Shahrukh Khan, est boudé par le public d’une manière aussi impitoyable, observe le site Koimoi, spécialiste des coulisses des studios de Bombay.

Jab Harry Met Sejal, contrairement aux apparences, n’est pas à proprement parler un remake du film américain Quand Harry rencontre Sally, de Rob Reiner (1989). C’est le récit, ponctué d’interminables chorégraphies chantées dont l’Inde a le secret, d’un amour contrarié entre un guide fatigué de promener ses touristes de Prague à Lisbonne et une jeune femme originaire du Pendjab qui a perdu sa bague de fiançailles dans un aéroport. « Le film ne procure même pas de plaisir visuel, vous vous déplacez simplement d’un pays interchangeable à l’autre. Le fait est que vous ne pouvez pas tromper le public tout le temps », estime Atul Mohan, rédacteur en chef du magazine Complete Cinema.

« C’est un film dépourvu de toute nuance, qui utilise l’humour comme une béquille pour servir avec arrogance le jeu de Shahrukh Khan. » Tanul Thakur, critique cinéma

Tanul Thakur, critique au site d’information The Wire, parle, quant à lui, de « 144 minutes d’abomination. […] C’est un film dépourvu de toute nuance, qui utilise l’humour comme une béquille pour servir avec arrogance le jeu de Shahrukh Khan ». Et d’ajouter qu’à 51 ans, l’acteur ne semble chercher qu’à « satisfaire son ego », au mépris des promesses de ses débuts. Tanul Thakur rappelle ainsi que, si Shahrukh Khan a percé dans les années 1990, c’est parce qu’il incarnait une alternative au personnage du macho qu’affectionnait alors le public. Il n’était pas préoccupé par l’affirmation de sa virilité et ne craignait pas de pleurer à l’écran.

Shahrukh Khan aurait donc perdu la main, comme le laissait entrevoir la médiocrité de ses deux films précédents, Raees (en janvier 2017) et Dear Zindagi (en novembre 2016). Dans Jab Harry Met Sejal, celui qui a toujours le désir insatiable de jouer les héros ne porte que des chemises ouvertes jusqu’au nombril, quand il ne s’exhibe pas torse nu et tatoué.

Bande-annonce de « Jab Harry Met Sejal »

Jab Harry Met Sejal Trailer | Shah Rukh Khan, Anushka Sharma
Durée : 03:02

Mais il y a autre chose. A propos de cet échec, Lata Jha, critique au journal Mint, estime que « les Indiens veulent davantage qu’une vedette en vitrine, le pouvoir des stars ne suffit plus ». Shahrukh Khan doit se faire une raison, il n’est plus le briseur de cœurs de ces dames, comme le personnage de Raj campé il y a vingt-deux ans dans Dilwale Dulhania Le Jayenge, la superproduction qui le rendit célèbre. Avec son futur film, au titre encore inconnu, le réalisateur Aanand Rai, en vogue en Inde, s’est promis de le réconcilier avec ses fans, en lui faisant jouer le rôle… d’un nain. Rien ne va plus à Bollywood.

Par Stéphane Picard