Spectateurs lors d’une compétition de « League of Legends » en 2014 à Paris. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

Ce n’est ni un match de l’équipe de France de handball ni un prestigieux tournoi de tennis entre les meilleurs de l’ATP, et pourtant : la salle omnisports devrait afficher complet pour les finales des « League of Legends Championship Series Europe », dites LCS EU, qui s’y disputent samedi 1er et dimanche 2 septembre. En jeu : une victoire à la plus prestigieuse compétition européenne d’e-sport. Les clés pour suivre l’événement.

  • La compétition

Toutes proportions gardées, LCS EU, c’est la League des champions de l’e-sport, selon certains spécialistes du sport électronique. « Ce sont les meilleures équipes d’Europe, et la finale la plus importante à l’échelle continentale », souligne Paul Arrivé, journaliste e-sport pour L’Equipe. « La comparaison colle assez bien, sauf que les équipes ne correspondent pas à un pays, mais fonctionnent par marque ou par écurie », tempère Laure Valée, reporter pour Canal eSport Club et O’Gaming.

Trois jours avant l’ouverture de la compétition, 17 000 billets avaient trouvé acquéreur, et 300 000 à 400 000 spectateurs sont attendus sur les différentes retransmissions en direct en ligne.

« Les gens en parlent beaucoup parce que cela se passe à Paris, mais c’est plus un tournoi de prestige », nuance Rémi Chanson, auteur du Guide de l’esport. Les « World », l’équivalent des championnats du monde de League of Legends, sont le vrai événement majeur, avec un pic à 16,7 millions de téléspectateurs en direct pour l’édition 2016. Comme il l’explique :

« C’est la plus grosse compétition d’e-sport, celle qui rythme l’e-sport en Europe et dans le monde, la plus médiatisée, et celle dont les images résonnent dans la tête des gens. »

L’an passé, la compétition reine avait été dotée d’un cash prize de 5 millions d’euros, à rapporter aux 200 000 euros des LCS EU, qui boxent uniquement dans la catégorie continentale, mais leur sert de marchepied.

Les quarts de finale du championnat du monde de League of Legends. / Nolife

  • Le format

Les LCS EU sont une étape dans la saison des World Championship, dont la finale se déroulera à l’automne. Ils se tiennent deux fois par an : en début d’année, le Spring Split, et en été, le Summer Split, qui présente plus d’enjeu. Pendant chaque demi-saison, dix équipes professionnelles s’affrontent dans une ligue fermée, via des parties en ligne, depuis leurs « gaming houses ». Les mieux classés disputent ensuite un mini-tournoi, conclu par ces fameuses « finales » devant un public. Selon Rémi Chanson :

« L’objectif, c’est de montrer des stades avec de grandes foules qui applaudissent et crient. Riot Games en a besoin et les joueurs aussi. Comme cette année les World ne se déroulent pas en Europe mais en Chine, ils ont pris un plus grand stade, celui de Bercy. Cela fait aussi partie de leur plan de com’. »

Samedi, à 17 heures, la petite finale opposera les deux équipes éliminées lors des demi-finales, disputées fin août, Fnatic et H2K-Gaming. Misfits et G2 Esport s’affronteront pour le titre le lendemain à la même heure.

Chacun des deux matchs se disputera au meilleur des cinq manches. Un affrontement peut durer de deux à cinq heures. Les deux rencontres seront diffusées par O’Gaming et relayées sur le site du Monde.fr.

  • Les équipes en lice

La petite finale oppose deux formations dont le siège social est situé à Londres, H2K Gaming, aux joueurs à dominantes polonaise et sud-coréenne, et Fnatic, majoritairement composée de Scandinaves.

Fnatic est à League of Legends ce que le Real Madrid est au football européen : l’équipe la plus ancienne (elle existe depuis 2004) et la plus titrée (cinq victoires dans un split, une demi-saison). « C’est l’équipe la plus suivie en Europe, avec des noms connus depuis longtemps qui évoquent beaucoup de choses aux spectateurs », résume Laure Valée.

Favoris de la compétition, ils sont tombés en demi-finale contre la révélation de l’année, l’équipe londonnienne Misfits, jeune d’un an à peine. « Misfits les a battus 3-1, ce n’était pas prévu, les gens s’attendaient à une finale G2-Fnatic », observe Rémi Chanson. Initialement créée aux Etats-Unis par le fondateur de la chaîne Sci-Fi, Misfits affiche une équipe à majorité britannique et sud-coréenne.

Mélange de joueurs danois, espagnols et sud-coréens, G2 Esport domine la scène européenne depuis deux ans, et joue volontiers d’une image un peu provocatrice. Avec une victoire dimanche, elle remporterait son quatrième split d’affilée, un record. « Les favoris, c’est G2, ils sont au-dessus au niveau européen », estime Rémi Chanson. « Ils ont un excellent niveau de jeu, mais Misfits a surpris beaucoup de monde en quarts et en demi. C’est dur de dire qui va l’emporter », tempère Paul Arrivé. « Je pense que ce sera un match serré », pronostique Laure Valée.

  • Les enjeux

Ils sont doubles : ajouter une ligne au palmarès et obtenir un des deux tickets qualificatifs pour les World. Toutefois, en raison de calculs complexes liés à un système de qualification hybride, les deux finalistes de cette année sont déjà assurés d’en être avant même de s’affronter.

« La finale a son importance car elle déterminera l’ordre du tirage au sort pour les championnats du monde », précise Laure Valée. A la manière d’une coupe du monde de football, les qualifiés seront répartis en poules de quatre, et le vainqueur du LCS EU a moins de chance de tomber contre les meilleures équipes américaines, coréennes et chinoises.

Un troisième ticket est à décrocher. Il ne sera pas attribué au vainqueur de la petite finale mais lors d’un tournoi de qualification intercontinental la semaine suivante. « Ce sera le dernier tournoi qualificatif et elles se retrouveront à nouveau : il y aura donc tout de même une dimension psychologique à leur rencontre de samedi », estime Paul Arrivé.

  • Deux stars françaises

Ces finales seront l’occasion de voir évoluer les deux meilleurs joueurs français en activité (YellowStar, le plus titré, a pris sa retraite en 2016) : Paul Boyer, dit sOAZ, vétéran de la compétition et top laner (sorte de libéro au football) de Fnatic ; Steven Liv, dit Hans Sama, 18 ans, AD Cary (équivalent approximatif d’attaquant) au sein de Misfits. D’un côté un doyen expérimenté, parfois inégal, mais à la grinta et à l’orgueil respectés. De l’autre un prodige à l’ascension fulgurante, professionnel depuis seulement un an et déjà assuré de disputer les championnats du monde.

« sOAZ est très particulier. Les gens le voient comme un joueur inconstant, capable de briller pendant un tournoi et ne rien faire pendant huit semaines, témoigne Laure Valée. Il est réputé très dur à coacher car c’est l’un des plus anciens mais il est aussi capable de grosses performances juste pour répondre aux critiques et montrer aux autres qu’ils ont tort. » Très apprécié du public français, il est l’un des plus expérimentés de la scène européenne.

Remarqué dès ses 14 ans, passé par l’écurie française Millenium, Hans Sama n’avait pas pu participer aux précédentes LCS faute d’avoir l’âge légal. Il en a profité pour progresser. « C’était un joueur ultra-agressif qui a su se canaliser, résume Paul Arrivé. Il a appris à mieux prendre en compte ce qui se passe sur l’ensemble du terrain. C’est désormais un des meilleurs joueurs d’Europe à son poste. » Si Misfits ne partira pas favori, son jeune prodige devrait lui assurer le soutien enflammé du public de Bercy. « Hans Sama, on sait depuis longtemps qu’il est bon, et tout le monde a envie de le voir se frotter aux meilleurs. »