Affiches de campagnes des candidats Angela Merkel et Martin Schulz, à Berlin (Allemagne), le 21 août. / FABRIZIO BENSCH / REUTERS

Un duel télévisé est toujours un moment fort dans une campagne électorale. Celui qui opposera Angela Merkel à Martin Schulz, dimanche 3 septembre de 20 h 15 à 21 h 45, est toutefois attendu avec une fébrilité particulière, qui tient à la nature de la campagne qui se déroule en ce moment en Allemagne. Une campagne sans élan, à propos de laquelle le qualificatif le plus souvent employé par les observateurs est celui d’« ennuyeux ». Une campagne sans boussole, qui a commencé depuis des mois mais qui ne s’est toujours pas cristallisée autour d’un thème particulier. Une campagne sans suspense, tant est grande l’avance dont jouit la chancelière sortante dans les sondages, qui lui prédisent depuis des mois une large victoire.

Dans ce contexte, le duel de dimanche pourrait bien être le seul moment fort de cette drôle de campagne. A trois semaines des élections législatives du 24 septembre, c’est le seul face-à-face prévu entre deux principaux candidats.

Or, cette confrontation est d’autant plus attendue que Mme Merkel, jusque-là, a tout fait pour l’esquiver. Ciblée à longueur de discours par le président du Parti social-démocrate (SPD), la chancelière candidate a toujours évité de lui répondre, feignant de l’ignorer au point de ne jamais citer son nom.

Pas de public, pas de questions de téléspectateurs

M. Schulz n’a pas caché son agacement. A force de « taire de façon systématique les débats sur l’avenir du pays », Mme Merkel « porte atteinte à la démocratie », avait-il déclaré, à la fin de juin. M. Schulz « donne l’impression d’être vexé comme un pou. Il est le petit garçon qui se lamente parce que sa copine de bac à sable ne veut pas jouer avec lui », commentait, à la mi-août, le journaliste Heribert Prantl dans la Süddeutsche Zeitung.

Depuis quelques jours, l’attitude de Mme Merkel a été critiquée par la presse, en raison des exigences posées par ses conseillers concernant l’organisation du débat de dimanche. Les quatre chaînes qui le diffuseront (ARD, ZDF, RTL et SAT.1) souhaitaient qu’il y ait du public et que les téléspectateurs puissent poser des questions. Elles avaient également proposé que deux débats aient lieu avant le scrutin. L’équipe de M. Schulz était d’accord. Celle de Mme Merkel a refusé.

Il n’y aura donc qu’un seul débat d’ici aux élections, sans public ni questions autres que celle des quatre journalistes présents dans le studio de l’ARD à Berlin-Adlershof. « La chancellerie exige un corset pour la chancelière, dans lequel elle ne peut se mouvoir. Et un autre pour Schulz, dans lequel il ne doit pas avoir le droit de se mouvoir. (…) Sur le plan formel, [ce débat] est un monstre télévisuel », s’est indigné Nikolaus Brender, ancien rédacteur en chef de la ZDF, dans le Spiegel.

Position inconfortable de favorite

Interrogée sur le sujet, Mme Merkel a assuré, cette semaine, que la polémique n’avait pas lieu d’être. « Je me réjouis à l’idée de participer au duel de dimanche », a-t-elle déclaré, mardi 29 août, lors d’une conférence de presse à Berlin, sans convaincre grand monde.

Objectivement, la chancelière a deux raisons de redouter le duel. La première tient à sa position de favorite, souvent plus inconfortable dans ce genre de situation que celle d’un challenger. La seconde tient à sa propre expérience. Dans le passé, ces débats télévisés lui ont coûté plus qu’ils ne lui ont profité.

En 2005, face au chancelier sortant Gerhard Schröder, la présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), beaucoup moins expérimentée que lui à la télévision, avait été mise en difficulté. En 2013, face à Peer Steinbrück, alors candidat du SPD, elle était apparue plus à l’aise, sans pour autant dominer le débat. Malgré cela, son adversaire avait gagné deux à trois points dans les sondages dans les jours qui ont suivi le débat.

Dans les deux cas, cependant, l’avance de Mme Merkel était déjà telle avant les duels télévisés que ceux-ci ne l’ont pas empêchée de l’emporter dans les urnes. Son camp espère qu’il en sera de même cette année.

Schulz veut toucher les indécis

Si Mme Merkel espère limiter les risques, M. Schulz, en revanche, est convaincu qu’il a une chance à saisir. Pour ses partisans, il a les qualités qui conviennent à ce type d’exercice : plus combatif que Frank-Walter Steinmeier et Peer Steinbrück – les candidats du SPD qui ont affronté Mme Merkel en 2009 et 2013 –, il est aussi considéré comme moins arrogant que Gerhard Schröder.

Au SPD, on fait aussi valoir que, dans au moins deux domaines, l’ancien président du Parlement européen peut faire la différence : les retraites et l’éducation, dossiers considérés comme prioritaires par les électeurs et sur lesquels son programme est nettement plus précis que celui de son adversaire.

A trois semaines du vote, M. Schulz espère enfin que le nombre encore important d’électeurs indécis peut jouer en sa faveur. Le phénomène a été mis en lumière par un sondage de l’institut Allensbach, publié le 23 août par la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Selon cette étude, 46 % des électeurs ne savaient encore toujours pas pour qui voter, il y a une dizaine de jours. Depuis plus de vingt ans, jamais la part des indécis n’a été aussi élevée à un mois des élections législatives.

Dix-sept points d’avance

« Notre objectif est de rattraper notre retard et, pour cela, le duel de dimanche a un rôle important. Dimanche, nous allons faire changer les sondages », a déclaré Thomas Oppermann, le président du groupe SPD au Bundestag, vendredi matin, sur la ZDF.

Au vu des précédents débats, un rebond sondagier de M. Schulz n’est en effet pas à exclure. Il faudrait cependant qu’il soit d’une ampleur considérable – et jamais observée jusqu’à présent − pour que le rapport de forces s’inverse en sa faveur.

Dans la dernière vague du baromètre politique de la ZDF, publiée vendredi 1er septembre, la CDU-CSU est créditée de 39 % des voix, soit 17 points de plus que le SPD. Selon ce même sondage, à la question de savoir qui elles choisiraient si elles élisaient directement leur chancelier, 57 % des personnes interrogées ont répondu Mme Merkel, tandis que seulement 28 % se sont prononcées en faveur de M. Schulz.