Le président kényan Uhuru Kenyatta s’adresse aux gouverneurs et membres du Sénat à Nairobi le 2 septembre 2017. / HANDOUT / REUTERS

La magistrature kényane s’est indignée samedi 2 septembre de « menaces voilées » formulées par le président Uhuru Kenyatta contre les juges de la Cour suprême. Cette réaction du chef de l’Etat kényan fait suite à la décision historique de cette institution d’annuler sa réélection pour irrégularités.

Uhuru Kenyatta avait dans un premier temps adopté un ton conciliant face au verdict rendu vendredi 1er septembre par la Cour suprême, assurant l’accepter malgré son désaccord avec l’annulation de la présidentielle du 8 août en raison d’irrégularités dans la transmission de résultats le donnant vainqueur avec 54,27 % des voix.

Des propos présidentiels « qui ont eu pour effet de dénigrer les juges de la Cour Suprême »

Mais le chef de l’Etat a rapidement durci le ton, d’abord lors d’un rassemblement impromptu vendredi après-midi avec des partisans à Nairobi, où il a notamment qualifié les juges de la Cour suprême d’« escrocs ».

L’Association des juges et magistrats du Kenya (KMJA) « s’insurge contre les remarques » d’Uhuru Kenyatta, « qui ont eu pour effet de dénigrer les juges de la Cour Suprême », a déclaré samedi soir le secrétaire général de la KMJA, Bryan Khaemba. Celui-ci s’adressait à la presse devant la Cour suprême, dans le centre de Nairobi.

S’adressant à des représentants de son parti, le président kényan a appelé à la paix, mais a aussi soutenu que ces juges avaient « décidé qu’ils avaient plus de pouvoirs que plus de 15 millions de Kényans qui ont fait la queue pour voter ». « Cela ne peut pas durer, et nous nous pencherons sur ce problème, après les élections. Il y a un problème et nous devons le régler », a-t-il mis en garde samedi.

Une décision historique pour l’opposition kényane

« Nous condamnons cette attaque contre l’indépendance décisionnelle » des juges, a réagi Bryan Khaemba, regrettant des « menaces voilées » contre les juges ayant annulé l’élection.

Saisie par l’opposant Raila Odinga, la Cour suprême a ordonné vendredi la tenue d’un nouveau scrutin présidentiel d’ici au 31 octobre. Inattendue, la décision a été saluée par de nombreux observateurs comme « courageuse », « historique » et preuve de la « maturation » de la démocratie kényane.

Candidat malheureux en 1997, 2007 et 2013, M. Odinga a dit vendredi avoir perdu toute confiance dans la Commission électorale (IEBC), épinglée par la Cour suprême pour sa gestion des élections, mais également chargée par cette dernière d’organiser le nouveau scrutin. Alors que le jugement complet de la Cour suprême doit être publié d’ici 21 jours, l’opposant a déjà appelé au départ des dirigeants de l’IEBC, le président Kenyatta excluant, lui, tout remaniement en profondeur.