Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un inspecte un engin balistique. Photo de l’agence de presse officielle nord-coréenne datée du 3 septembre 2017. / KCNA KCNA / REUTERS

Editorial du « Monde ». La route semble tracée. L’essai nucléaire auquel a procédé le régime nord-coréen, dimanche 3 septembre, montre la direction. D’ici à la prochaine décennie, la Corée du Nord, petit pays, pauvre, refermé sur lui-même et ses obsessions, devrait être une puissance nucléaire. Elle disposera de la panoplie complète : missiles intercontinentaux, têtes nucléaires et maîtrise de l’ensemble. Le monde sera un peu plus dangereux.

Kim Jong-un, 31 ans, le numéro un du régime, a passé l’été à transmettre le message. Après quelques tirs de missiles, l’essai de dimanche – peut-être une bombe à hydrogène – marque une étape de plus dans la course de Pyongyang à l’arme absolue.

Depuis 2003 et l’arrêt des pourparlers engagés par Washington au milieu des années 1990, rien n’a intimidé la Corée du Nord – ni les gesticulations militaires américaines, ni les sanctions économiques internationales, ni les attaques cybernétiques venues des Etats-Unis, ni les remontrances de la Chine. La Corée du Nord connaissait encore de terribles famines en 1990, mais elle soignait ses laboratoires…

Kim ne bluffe pas. Il veut que son pays soit reconnu en tant que puissance nucléaire. C’est la garantie qu’il ne sera pas renversé.

Kim a l’histoire pour lui. Jamais un pays se situant en dehors du cadre du régime de non-prolifération – la « légalité » onusienne dans ce domaine – et résolu à acquérir l’arme nucléaire n’a pu en être empêché. C’est vrai de l’Inde et du Pakistan. Ce devrait l’être demain pour la Corée du Nord (elle a quitté le traité de non-prolifération en 2003). Ce jour-là, le régime de non-prolifération sera un peu plus ébranlé. Au XXIe siècle, le club des puissances nucléaires pourrait s’agrandir.

Dernier de la dynastie des Kim, élevé en partie en Suisse, le mystérieux jeune homme à la tête de la Corée du Nord (25 millions d’habitants) ne bluffe pas. Il veut que son pays soit reconnu en tant que puissance nucléaire. C’est pour lui la garantie qu’il ne sera pas renversé. Il pérennise un régime dictatorial cruel mais dépositaire d’une partie d’un nationalisme coréen forgé pendant la guerre et qu’entretient la propagande officielle.

Kim s’adresse aux Etats-Unis, l’ennemi de la guerre froide et le pays qui, en 2003, a classé la Corée du Nord dans l’« axe du Mal ». Mais il s’adresse aussi à la Chine. L’essai de dimanche a eu lieu au moment où le président Xi Jinping inaugurait un sommet des grandes économies émergentes. Kim voudrait que Pékin fasse pression sur Washington pour admettre la Corée du Nord en tant que puissance nucléaire.

Trump brandit des menaces apocalyptiques peu crédibles, pendant que son équipe maintient la voie diplomatique.

Les Etats-Unis n’ont cessé de changer de stratégie face à la Corée du Nord. La rupture des négociations en 2003 n’a eu d’autre effet que d’accélérer la course de Pyongyang vers le nucléaire. Donald Trump manie des menaces apocalyptiques peu crédibles, pendant que son équipe maintient que la voie diplomatique reste ouverte. Autant de signaux confus et inefficaces.

La Chine, dont la Corée du Nord dépend pour sa survie économique, a été complaisante, sinon complice. La perspective de ce voisin incontrôlable équipé de l’arme nucléaire ne lui plaît pas. Mais celle d’imaginer un effondrement du régime de Pyongyang, entraînant une réunification de la péninsule coréenne sous l’égide d’une Corée du Sud alliée militaire des Etats-Unis, encore moins. La Chine accepte trop facilement le risque Kim.

Seul un front uni sino-américain semble capable, sinon d’empêcher que Pyongyang se dote de l’arme nucléaire, du moins d’en contenir les effets déstabilisateurs. Trump et Xi sont comptables de la question coréenne.