Le leader de l’opposition kényane Raila Odinga a engagé, mardi 5 septembre, les hostilités au sujet de la date de la nouvelle élection présidentielle, fixée par la Commission électorale kényane (IEBC) après l’invalidation du scrutin présidentiel du 8 août par la Cour suprême.

L’IEBC avait décidé lundi que la nouvelle élection aurait lieu le 17 octobre, dans la limite des deux mois imposée par la Constitution. Mais M. Odinga, en position de force après avoir gagné son recours en justice, a précisé qu’« il n’y aura pas d’élection le 17 octobre, sauf à ce que les termes et conditions que nous avons énumérés dans ce communiqué soient remplis par l’IEBC ».

Saisie par l’opposition, la Cour suprême avait annulé lundi la victoire du président sortant, Uhuru Kenyatta, arrivé en tête avec 54,27 % des voix, contre 44,74 % à M. Odinga. La Cour avait justifié cette décision, inédite sur le continent africain, en estimant que l’élection n’avait « pas été conduite en accord avec la Constitution », et que des « illégalités et irrégularités [en avaient] affecté l’intégrité ».

Le vétéran de l’opposition, 72 ans, depuis l’annulation surprise de vendredi, ne cesse de s’en prendre à la Commission électorale, lui reprochant d’avoir choisi cette date unilatéralement. Il exige un audit du système électronique de l’IEBC – qui avait validé les résultats du 8 août –, la démission de plusieurs de ses membres et la possibilité pour toute personne éligible de se présenter à la nouvelle élection, ce qu’avait d’emblée écarté l’IEBC.

La Commission avait décidé lundi que seuls MM. Kenyatta et Odinga figureraient cette fois-ci sur les bulletins de vote et que les six autres candidats, qui avaient réuni moins de 1 % des voix lors de la première élection, ne pourraient pas se représenter. L’un d’eux, Ekuru Aukot, a immédiatement contesté cette décision et devait présenter mardi devant la Cour suprême une motion lui demandant de clarifier qui serait autorisé à concourir le 17 octobre.

Le système de transmission des résultats piraté

La Commission électorale a été très critiquée pour les irrégularités commises dans la transmission des résultats. La Cour suprême a ainsi observé qu’elle avait « échoué, négligé ou refusé » de conduire les élections conformément à la loi. Candidat malheureux en 1997, 2007 et 2013, M. Odinga ne lui accorde aucune confiance. « La Commission, telle qu’elle est constituée en l’état, ne devrait pas conduire cette élection », a-t-il répété mardi, accompagné des principaux leaders de sa coalition d’opposition Nasa. « Nous disons qu’il y a un certain nombre de responsables électoraux qui devraient être renvoyés chez eux et que d’autres devraient faire l’objet d’une enquête et être inculpés pour les crimes odieux qu’ils ont commis lors des dernières élections », a-t-il poursuivi.

Le président Kenyatta a exclu que l’IEBC soit remaniée en profondeur. M. Odinga a pourtant affirmé que de la Commission « ne nous a pas donné accès à ses serveurs », malgré une injonction en ce sens de la Cour suprême et que le système de transmission des résultats a été piraté, modifiant les scores en faveur de M. Kenyatta.

M. Odinga a notamment pointé du doigt l’entreprise française Safran, dont l’ex-filiale Morpho avait fourni les kits de reconnaissance biométrique des électeurs. Morpho est depuis devenue OT Morpho, après avoir été rachetée en mai par le groupe Oberthur Technologies. « La compagnie française Safran devrait expliquer ce qui s’est exactement produit. Le gouvernement français devrait mener une enquête sur cette compagnie », a plaidé l’opposant.

La Cour suprême doit publier d’ici au 22 septembre les motivations de son jugement. L’IEBC a dit attendre cette date pour savoir ce qui lui est exactement reproché et quelles améliorations elle doit apporter à son fonctionnement en vue de la prochaine élection. Les menaces de l’opposition de ne pas prendre part au scrutin du 17 octobre si elle n’obtient pas gain de cause pour ses revendications risquent de raviver les tensions.

La proclamation de la victoire de M. Kenyatta le 11 août avait été suivie de violences qui avaient fait au moins 21 victimes, pour la plupart tuées par la police, dans plusieurs bastions de l’opposition dans l’ouest et à Nairobi.