Série sur Canal+ Série à la demande

TWIN PEAKS Season 3 TRAILER (2017) Showtime Limited Series
Durée : 00:30

« La vie est une longue préparation à quelque chose qui ne se produit jamais. » La maxime du poète irlandais William Butler Yeats semble convenir on ne peut mieux à la troisième saison de Twin Peaks, de David Lynch, dont le dix-huitième et ultime épisode sera diffusé ce soir sur Canal+ Série, deux jours après sa diffusion sur ShowTime, aux Etats-Unis.

Rarement a-t-on connu cette sensation qu’il allait forcément se passer quelque chose dans l’épisode suivant alors que, pourtant, rien ne s’y passait jamais ; rarement a-t-on à ce point eu l’impression de regarder une série par devoir professionnel ; rarement a-t-on été autant frappé par la discrépance entre la promesse d’un chef-d’œuvre et ce qu’il en a résulté.

Le chef-d’œuvre présumé était d’ailleurs accompagné de consignes lexicales : non, a-t-il été répété par les instances de presse chargées de défendre la série, ce n’est pas une « troisième saison », mais « Twin Peaks, le retour. » (Ce n’est peut-être d’ailleurs pas une série : Twin Peaks le retour n’a-t-il d’ailleurs pas été lancée au dernier Festival de Cannes ?)

Indigeste pudding

On aura également été prévenu qu’il ne fallait pas écrire « épisode » mais « partie ». Tout juste si l’on ne se sent pas obligé de dire « M. Lynch », et jamais « David Lynch » ou « Lynch » tout court. L’agacement suscité par tout ceci aurait été tolérable si les espérances du sériephile avaient été comblées. Mais il n’en est rien : cette saison 3 est un très indigeste pudding, d’une rare prétention.

Qu’il ne s’y passe rien n’est pas surprenant : les aficionados des deux premières saisons – « Twin Peaks, le départ » ? –, savent que Lynch connaît sur le bout de la caméra l’art du peu, du vide, du grotesque (au sens fort) et de l’improbable fait poésie. En dépit de longueurs, les deux premières saisons étaient fascinantes par cet art qu’a Lynch du rhizome et du détour, de l’artifice et du bizarre, le tout épicé par un humour sec et décalé.

Mais la saison 3 semble une gigantesque blague, comme si Lynch – qui reprend le rôle de chef du FBI dur d’oreille – s’amusait à mener vers de fausses pistes ses fanatiques et à leur donner matière à une infinie analyse du moindre détail. De peur de ne pas comprendre, on finit par voir du sens caché partout…

David Lynch entouré d’une partie de l’équipe de « Twin Peaks ». / DR

Le surjeu (ou le sous-jeu) artificiel des acteurs, qui faisait le charme des deux premières saisons, devient absurde et lassant avec ces grands silences béants. Certaines scènes semblent uniquement mues par une insolence sarcastique propre à tester la patience et la bonne volonté du spectateur.

On a vu les films les plus avant-gardistes et abstraits de Duras et de Warhol. Mais la longue scène de balayage dans un bar donne furieusement envie d’appuyer sur la touche « forward » de la télécommande. On en dira autant des interminables séquences d’images abstraites : avec leur accompagnement au synthétiseur « vintage » de sons telluriques et inquiétants, elles ressemblent aux vieilles expérimentations audiovisuelles « concrètes » des années 1950.

Lynch se paye l’insolent luxe d’achever son propos en laissant le téléspectateur en carafe, sans la moindre clé, sans bouclage de la boucle – même si certains personnages des épisodes tournés il y a un quart de siècle reviennent à l’écran. On n’ose imaginer le pire : une quatrième saison !

Twin Peaks, le retour, série créée par David Lynch et Mark Frost (EU, 2017, 18 x 60 min.)