Le premier ministre hongrois, Viktor Orban (à gauche), au côté du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, en septembre 2015 à Bruxelles. / THIERRY CHARLIER / AFP

La solidarité n’est pas « un plat à la carte » mais « une route à deux voies » : c’est la formule dont use, dans une lettre au ton un peu excédé, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, en réponse à une requête du premier ministre hongrois, Viktor Orban, membre, comme lui, du Parti populaire européen (conservateur).

En août, M. Orban avait écrit à Bruxelles pour exiger le remboursement de 400 millions d’euros, soit la moitié de ce que son pays aurait consacré à la protection de ses frontières – avec notamment l’érection d’un mur – lors de la crise des réfugiés le long de la « route des Balkans ».

Le 5 septembre, dans un courrier lu par Le Monde, M. Juncker a répondu à son homologue. Il lui indique que celui-ci bénéficiait largement de la « solidarité » qu’il exige de ses partenaires, y compris pour gérer les questions de migration. Il a bénéficié, en 2014 et 2015, d’un prêt d’urgence de 6,26 millions dont, insiste M. Juncker, un tiers seulement a été utilisé, le reste s’étant « perdu ». Budapest aurait aussi pu compter sur les 40 millions d’euros d’un fonds spécialement affecté à la sécurisation des frontières, indique le président de la Commission.

Question des sanctions

Il va plus loin : une autre forme de solidarité européenne consiste à aider les Etats membres au travers de divers fonds, régionaux, structurels ou d’investissement. Et, à cet égard, sous-entend-il, la Hongrie aurait tort de se plaindre : elle se verra allouer 25 milliards sur la période 2014-2020, ce qui représente 3 % de son produit intérieur brut.

Pour adoucir quelque peu l’échange, M. Juncker souligne, certes, les efforts déployés par Budapest dans le cadre du renforcement des missions de Frontex et de l’Agence européenne des gardes-frontières et gardes-côtes, ou de l’aide au pays d’origine ou de transit. Il reste que sa mention des aides diverses dont bénéficient largement un pays comme la Hongrie ne passera pas inaperçue. Surtout le jour où la Cour de justice de l’Union a rejeté le recours de ce pays et de la Slovaquie contre le mécanisme européen de répartition des réfugiés mis au point par la Commission et adopté par le Conseil. Budapest refuse obstinément d’accueillir des réfugiés depuis 2015.

Cessez de prôner la solidarité si, vous-mêmes, vous n’appliquez pas ce principe, signifie en quelque sorte le président de la Commission à celui auquel il lança naguère un célèbre « hello, dictateur ! ». Les atteintes persistantes aux règles de l’Etat de droit, en Hongrie puis en Pologne, ainsi que le refus de ces pays – et d’autres – de prendre leur part à la solution prévue pour les demandeurs d’asile posent désormais la question des sanctions possibles contre les Etats membres concernés.

Si elle s’est efforcée, jusqu’ici, de tenter la conciliation et l’apaisement, la Commission entend visiblement hausser le ton, face à des capitales qui multiplient les diatribes contre « Bruxelles » et entendent se soustraire à certaines règles communes.