L’avis du « Monde » – à voir

Le dernier film de Jeanne ­Labrune, Sans queue ni tête, date de 2010. Il succédait à Cause toujours, réalisé en 2004, ces deux titres marquant l’infléchissement d’une carrière qui avait culminé, sous le signe de la comédie, avec Ça ira mieux ­demain (2000) et C’est le bouquet ! (2002). Jeanne Labrune avait ­depuis lors disparu du paysage.

Voici qu’elle revient avec un film épuré, qui donne l’impression de jaillir comme la source d’une phase de retrait et de méditation, de malheurs et de troubles aussi. La cinéaste, après avoir perdu son compagnon en 2012, avait fait paraître un livre, Visions de Barbès, qui transforme l’expérience du deuil en récit sur la solitude et la fidélité. Le Chemin, qui ne porte aucune trace personnelle explicite des épreuves ­vécues par la réalisatrice, n’en est pas moins, dans sa sourde recherche d’une rédemption, fortement marqué par elles.

Une profonde recherche spirituelle

Cela contribue sûrement à l’émotion qu’on ressent à la ­vision du film. Le récit est comme celui d’un conte, porteur dans sa simplicité symbolique d’une profonde recherche spirituelle. Camille (Agathe Bonitzer) est une jeune Française installée dans une mission catholique au Cambodge pour y prononcer ses vœux. Chaque jour, elle emprunte un chemin qui traverse les ruines d’Angkor, sur lequel elle croise un mystérieux jeune homme avec lequel une sorte de rituel de rencontre va se mettre en place. Ce chemin qui la mène vers une vieille femme qu’elle soigne, et a fortiori cette rencontre, lui sont pourtant interdits par la mère supérieure. La jeune femme, mue par une force qui la dépasse, persiste pourtant, mettant en péril sa promesse de retrait du monde.

Lire la rencontre avec Agathe Bonitzer dans « M » : « Jouer éloigne de soi, c’est superlibérateur »

L’homme, de son côté, vit avec une femme atteinte d’un mal qu’elle lui cache. Les deux personnages côtoient ainsi la mort, mais sont pris comme malgré eux par la beauté luxuriante qui les environne, par le mystère tentateur et régénérant de leur propre rencontre. Le chemin lui-même porte cette ambivalence, à la fois jonché de balles témoignant des atrocités passées et serti dans une nature édénique. Ce beau film d’atmosphère est fait de peu de mots, mais porte en lui un élan d’une grande sincérité. L’élan même qui nous porte vers la vie, quand la mort encore nous requiert.

Bande-annonce LE CHEMIN
Durée : 01:20

Film français de Jeanne Labrune. Avec Agathe Bonitzer, Randal Douc, Somany Na, Agnès Sénémaud (1 h 31). Sur le Web : www.epicentrefilms.com/Le-Chemin-Jeanne-Labrune