En vidéo : l’ouragan Irma balaie les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy
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Virginie Duvat est chercheuse en géographie au laboratoire Littoral, environnement et sociétés (université de La Rochelle/CNRS).

Pourquoi Saint-Martin est-elle vulnérable aux cyclones ?

L’île de Saint-Martin cumule des aléas importants et une forte vulnérabilité. En raison de leur position, les Petites Antilles du Nord (Saint-Martin, Saint-Barthélémy, Barbuda, etc.) sont exposées à des cyclones plus fréquents et globalement plus intenses que celles qui se trouvent plus au sud (Grenade, Tobago, etc.). Au cours du siècle dernier, on a recensé 9 tempêtes tropicales et 17 ouragans, soit un phénomène tous les 3,8 ans.

Or, les côtes basses de Saint-Martin sont très fragiles de par leurs caractéristiques morphologiques. En raison de leur étroitesse (25 à 400 mètres de largeur) et de leur faible altitude (1 à 3 m), les cordons sableux de cette île sont facilement submergés par les vagues de tempête dont la hauteur dépasse couramment 4 à 5 m sur les côtes. Ces cordons sont également inondables car la forte pluviosité qui caractérise les épisodes cycloniques provoque le débordement des étangs qui les bordent.

Quelles sont les autres causes économiques et politiques qui aggravent cette fragilité ?

Il y a d’abord des facteurs politiques, institutionnels et juridiques hérités de la période coloniale. Le manque de coopération véritable entre les parties française et hollandaise entraîne, sur ce territoire réduit et doté de faibles moyens, une absence de politique cohérente et globale de gestion des crises et des risques. Sa position périphérique et son statut secondaire dans l’ancienne politique coloniale française ont aussi eu pour effets sa sous-administration et constituent à ce jour encore, parce qu’elle a perduré, un autre obstacle.

A cela s’ajoutent des facteurs socioéconomiques. Le vote de la loi de défiscalisation Pons en 1986 – qui a notamment permis aux entreprises de déduire de leurs impôts la totalité des investissements réalisés dans les départements d’outre-mer – a entraîné une forte croissance économique et une explosion démographique, accompagnées du développement brutal du tourisme. Le renouvellement important et rapide de la population a considérablement accru sa vulnérabilité, en raison de la pauvreté des nouveaux habitants, de la multiplication des bidonvilles dans des zones fortement exposées aux risques d’inondation et de submersion, et au défaut de planification territoriale.

L’île a-t-elle profité de retours d’expérience ?

A la suite du passage des cyclones dévastateurs Luis et Lenny, en 1995 et 1999, les logements en dur se sont généralisés. Néanmoins, les fortes contraintes foncières et immobilières (peu de parcelles et de logements disponibles, coût élevé) continuent d’être des obstacles. Ces cyclones ont par ailleurs été à l’origine d’une amélioration de la prévention. Mais l’application de la loi littoral n’a pas été suffisante, avec des reconstructions à proximité de la mer. Il est urgent de libérer la bande côtière de tout enjeu humain.