Manifestation des livreurs de la plate-forme Deliveroo, place de la République à Paris, le 11 août. / JACQUES DEMARTHON / AFP

Même si, pour le moment, leur principale revendication, portant sur leurs rémunérations, n’est pas satisfaite, les livreurs de repas de Deliveroo ont reçu une bonne nouvelle : ils bénéficient désormais d’une assurance santé complémentaire et prévoyance gratuite.

Mobilisés tout au long de l’été, ces autoentrepreneurs, un statut généralisé dans ce secteur des plates-formes de livraison de repas, avaient bloqué des restaurants, le 27 août, dans quatre villes dont Paris, protestant contre les tarifs jugés trop bas de la course appliqués par l’entreprise britannique. Mais c’est sur un autre sujet, qui ne faisait pas partie des revendications, que Deliveroo a réagi, avec l’annonce, jeudi 7 septembre de la mise en place d’une assurance complémentaire santé et prévoyance en cas d’accident durant le travail.

Cette assurance est prise en charge entièrement par l’entreprise et destinée à tous les livreurs à vélo dès leur première course. Deliveroo, qui réfute l’idée que les livreurs sont en réalité des salariés déguisés, fait ainsi mieux que dans une entreprise classique, où les cotisations à une mutuelle sont réparties entre l’employeur et ses salariés… Ce contrat collectif a été signé avec Axa. « C’est une première », se félicite Deliveroo, qui affirme compter 7 500 livreurs dans l’Hexagone. Uber devrait faire de même à l’automne. Cette assurance s’ajoute à une « assurance responsabilité civile professionnelle gratuite » mise en place en janvier.

« On ne va pas cracher dessus »

« Nous sommes mieux-disant », affirme un représentant de Deliveroo, que la disposition de la loi El Khomri obligeant, à partir janvier 2018, les plates-formes numériques à prendre en charge l’assurance volontaire pour le risque accident du travail acquittée par les travailleurs, mais seulement si le chiffre d’affaires des intéressés est égal ou supérieur à 5 100 euros.

Ce représentant de Deliveroo admet toutefois que l’assurance santé « n’est pas une réponse directe aux collectifs de coursiers. C’est le fruit d’une réflexion que nous avons engagée de longue date pour répondre au besoin qu’expriment les livreurs d’avoir plus de protection » en cas d’accident. Combien en survient-il par an chez Deliveroo ? « Nous ne transmettons pas ces données. »

Cette assurance, « c’est bien, on ne va pas cracher dessus, déclare Edouard Bernasse, livreur chez Deliveroo et membre cofondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap). Les livreurs n’ont pas forcément les moyens de s’en offrir une. Mais ça ne répond pas à notre revendication centrale. »

Pour M. Bernasse, « Deliveroo essaie de déplacer le problème » pour redorer son image « qui a été bien abîmée par le conflit et faire passer la pilule des rémunérations. ». « Nous ne sommes pas dupes ! », lance Jérôme Pimot, ancien livreur de Deliveroo et également membre cofondateur du Clap. Il ajoute, concernant cette assurance gratuite : « Deliveroo nous assure pour des risques qu’il nous pousse à prendre avec son système de paiement à la course, son système d’“agenda au mérite” et grâce à l’argent économisé en baissant les rémunérations. »

5 euros la course

Depuis le 1er septembre, tous les livreurs sont payés 5 euros la course (5,75 euros à Paris) et le paiement à l’heure qui perdurait pour certains est aboli. Ce qui, selon eux, leur fait perdre 18 % à 30 % de revenu. Lors des actions très médiatisées fin août, les livreurs revendiquaient la course à 7,50 euros, assortie de minima garantis de 15 ou 20 euros l’heure. Pour M. Bernasse, Deliveroo espère aussi que le lancement de cette assurance « lui donne une certaine légitimité, une influence face au gouvernement dans les discussions à venir sur la réforme du statut des indépendants, par exemple ». De fait, Deliveroo dit être « en contact avec le gouvernement sur la question du statut des autoentrepreneurs ».

La mobilisation fin août avait débouché sur la tenue d’une réunion, le 1er septembre, entre le directeur général de Deliveroo France, Hugues Décosse, et des représentants de collectifs de livreurs de Paris, Lyon, Nantes et Bordeaux accompagnés par les fédérations des services CGT et Sud. « Cette première rencontre pose le principe d’une représentation collective des livreurs chez Deliveroo » qu’ils réclamaient, selon un communiqué commun des collectifs. « Nous avons accepté d’avancer ce sujet », indique-t-on chez Deliveroo. « Une nouvelle réunion devait se tenir au début de cette semaine, qui n’a pas eu lieu », déplore M. Bernasse.

La question des tarifs sera-t-elle abordée lors d’une prochaine rencontre ? « Nous sommes ouverts à la discussion sur tous les sujets », assure-t-on chez Deliveroo.