Le rassemblement du 7 septembre 2017 à Lomé s’est poursuivi jusque tard dans la nuit avant d’être dispersé par la police. Les manifestants réclament des réformes constitutionnelles et le départ du président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis douze ans. / PIUS UTOMI EKPEI/AFP

La foule massive rassemblée dans le centre de Lomé, jeudi soir 7 septembre, longtemps après le coucher du soleil, pour obtenir le départ du président Faure Gnassingbé et la mise en place de réformes constitutionnelles, a finalement été dispersée en fin de soirée, à partir de 22 heures, sous les gaz lacrymogènes des forces de l’ordre.

Les manifestants, qui se disaient déterminés à rester « toute la nuit », se sont finalement éparpillés dans la capitale. Et seuls quelques groupuscules de jeunes continuaient à jouer au chat et à la souris dans la nuit avec les camions de police et de gendarmerie.

Dans le quartier de Bè, un secteur populaire de Lomé, ces groupes de jeunes manifestants ont commencé à dresser quelques barricades enflammées. « Faure, dégage, tu nous fais péter les plombs ! », hurlait un jeune homme. Le reste de la ville était par contre quasiment désert, même si la population a dressé des barricades de fortune, à l’aide de pierres et de pneus.

Les manifestants avaient marché dans le calme mercredi et jeudi, à grand renfort de sifflets et brandissant des drapeaux du Togo. Selon AMnesty International, ils étaient plus de 100 000 pour la seule journée de mercredi à Lomé à avoir répondu à l’appel de leaders de l’opposition. Aucun incident n’a été pour l’instant enregistré à Lomé ou dans les autres villes du pays, où des manifestations se sont également déroulées.

Internet coupé et un téléphone sporadique

Les manifestants réclament des réformes constitutionnelles, notamment la limitation des mandats présidentiels à deux, un scrutin à deux tours, et ils protestent contre le régime du président Faure Gnassingbé, qui a succédé il y a douze ans à son père, lui-même resté au pouvoir durant trente-huit ans. « Nous sommes fatigués, nous sommes fatigués, cinquante ans, c’est trop ! », scandaient un peu plus tôt les manifestants, toujours survoltés après dix heures de marche.

« Nous resterons toute la nuit s’il le faut, et demain encore », avait même lancé un groupe de jeunes hommes, assis au milieu du rond-point de la Paix.

« Nous avons prévu des bougies, au cas où ils coupent l’éclairage public, avaient-ils alors expliqué à l’AFP. Nous avons ramené de la pâte (de maïs), nous pouvons tenir le temps qu’il faudra. »

Les manifestants avaient tenté de converger vers la présidence togolaise, mais avaient finalement été bloqués par les forces de l’ordre, une centaine de gendarmes, épuisés après des heures d’immobilité.

Une banderole déployée demandait aux « soldats, policiers et gendarmes de faire allégeance au peuple ».

Plus bas sur le boulevard, à quelques kilomètres de là, des milliers d’autres personnes s’étaient réunies, dansant sur de la musique reggae contestataire, autour du chef historique de l’opposition, Jean-Pierre Fabre. Le président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) s’était dit « très ému » devant la foule de ses supporters.

« De voir le peuple togolais se lever comme un seul homme, c’est une très grande satisfaction, a-t-il déclaré à l’AFP. C’est une grande émotion qui m’étreint », a confié cet opposant qui bat le pavé depuis des années, sans avoir jusqu’à présent réussi à imposer des réformes au pouvoir.

Le rassemblement du 7 septembre 2017 à Lomé s’est poursuivi jusque tard dans la nuit avant d’être dispersé par la police. Les  manifestants réclament des réformes constitutionnelles et le départ du président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis douze ans. / PIUS UTOMI EKPEI / AFP

Ces journées de manifestations des 6 et 7 septembre avaient été lancées par une coalition de l’opposition togolaise (Cap 2015, le Groupe des six et le Parti national panafricain rejoints par plusieurs petits partis), d’où l’importance de la mobilisation. Mercredi, une marée humaine avait déjà défilé dans la capitale togolaise, véritable démonstration de force pour une opposition qui a longtemps échoué à parler d’une seule voix.

« Il y a beaucoup d’électricité dans l’air », a relevé jeudi Adoté Delali, observateur de l’Association des droits de l’homme, une ONG locale, affirmant qu’il y avait « beaucoup plus de monde que mercredi. » « Hier, je n’étais pas venu, a témoigné Dodo M. J’avais peur, mais quand j’ai vu qu’il n’y avait pas de violence j’ai rejoint les frères. »

« Nous voulons que Faure s’en aile ! »

Le président Gnassingbé ne s’est pas exprimé depuis le début du mouvement, et la présidence, contactée à plusieurs reprises par l’AFP, n’a pas donné suite.

Jeudi soir encore, tous les accès à Internet étaient coupés à travers le pays, et les communications téléphoniques étaient très sporadiques.

Le rassemblement du 7 septembre 2017 à Lomé s’est poursuivi jusque tard dans la nuit avant d’être dispersé par la police. Les manifestants réclament des réformes constitutionnelles et le départ du président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis douze ans. / PIUS UTOMI EKPEI/AFP

Le gouvernement avait tenté de jouer l’apaisement mardi, à la veille des rassemblements, en annonçant l’adoption par le Conseil des ministres d’un projet de réforme constitutionnelle concernant la « limitation des mandats et le mode de scrutin », mais cela n’a pas suffi à dissuader les manifestants.

« Nous allons rester dans la rue jusqu’à ce qu’il nous écoute. Nous voulons que Faure (…) s’en aille ! », avait affirmé Jonas Badagbon, 29 ans.

Selon Aimé Adi, directeur d’Amnesty International au Togo, des manifestations ont également rassemblé des milliers de personnes dans plusieurs villes du nord, dont Sokodé, Bassar et Bafilo, « où une centaine de manifestants occupent la route principale, bloquant la circulation ».

Le président Faure Gnassingbé a succédé à son père, le général Gnassingbé Eyadéma, à la présidentielle de 2005, avec l’appui de l’armée, ce qui avait entraîné de violentes manifestations et une féroce répression. Il a ensuite été réélu en 2010 et en 2015, lors de scrutins très contestés par l’opposition.