Rafael Marquez, le 9 août, lors d’une conférence de presse organisée sur la pelouse de l’Atlas FC, à Guadalajara, au Mexique. / Reuters

« Je suis innocent ! » martèle Rafael Márquez, capitaine historique de l’équipe mexicaine de football. Las, il est accusé par le gouvernement américain de blanchiment d’argent pour le compte d’un baron de la drogue, et ses efforts depuis un mois pour se tirer d’affaire n’y font rien. Révélée cet été, l’affaire a stoppé net sa brillante carrière. Vendredi 1er septembre, la superstar aux 143 sélections nationales n’a pas participé au match contre le Panama qui a qualifié le Mexique (0-1) pour la Coupe du monde 2018. La galère ne semble que commencer pour le joueur de 38 ans.

« C’est le match le plus difficile de ma vie. » Rafael Márquez

Tout a commencé le 9 août, quand le département du Trésor américain a publié le nom de l’ancien défenseur de l’AS Monaco (1999-2003) et du FC Barcelone (2003-2010) sur une liste de 22 Mexicains suspectés d’être en lien avec le réseau financier du discret narcotrafiquant Raúl Flores Hernández, alias « El Tío ». Le criminel est détenu, depuis juillet, dans une prison de Mexico, attendant son extradition aux Etats-Unis. Selon l’enquête américaine, le baron de la drogue aurait utilisé le footballeur comme prête-nom pour blanchir ses revenus illicites. Neuf entreprises et organisations sportives mexicaines appartenant à Rafael Márquez, dont son école de football et sa fondation destinée aux enfants déshérités, sont dans la ligne de mire.

« C’est le match le plus difficile de ma vie », a confié d’une voix tremblante, lors d’une conférence de presse organisée le 9 août sur la pelouse de l’Atlas FC, son premier et actuel club mexicain, celui que les Mexicains appellent avec affection « Rafa » . Depuis, il répète « ne pas connaître M. Flores ». Mais le mal est fait. Si la mesure du gouvernement américain n’entraîne pas d’accusation pénale, ni de mandat d’arrêt, elle s’accompagne de lourdes sanctions affectant sa fortune et sa réputation. Ses comptes bancaires et ses propriétés ont été gelés aux Etats-Unis. Son visa a été annulé. Aucune entreprise, ni citoyen américain, ne peut désormais commercer avec lui.

Laché par ses sponsors, interdit de jeu

L’effet boule de neige ne s’est pas fait attendre : le 10 août, le ministère mexicain des finances a annoncé le blocage des avoirs financiers du joueur dans son pays, où le ballon rond est érigé en culte. Lâché par ses deux principaux sponsors, Nike et Gillette, l’idole des supporteurs s’est vu suspendre, le 27 août, ses comptes Facebook et Instagram.

Choqués par l’affaire, les Mexicains font bloc derrière leur joueur le plus titré à l’étranger. Rafael Márquez a remporté, en 2000, le championnat de France avec Monaco et la Ligue des champions, en 2006, avec le FC Barcelone. Sur les réseaux sociaux, certains accusent ses gestionnaires financiers d’être responsables du délit à son insu. D’autres défendent la bonne foi du chouchou des stades face à des narcotrafiquants en col blanc difficiles à démasquer. Un récent rapport de l’organisation à but non lucratif Global Financial Integrity évalue les flux financiers illicites mexicains à 52,8 milliards de dollars par an, plaçant le pays au troisième rang mondial du blanchiment d’argent, après la Chine et la Russie.

Rafa Marquez - FIFA FOOTBALL EXCLUSIVE
Durée : 05:45

Le 1er septembre, les joueurs de l’équipe du Mexique lui ont dédié leur victoire contre le Panama. Même solidarité de la part de ses coéquipiers de l’Atlas FC, qui portent le maillot de leur champion avant les coups d’envoi des matchs de la ligue mexicaine. Les dirigeants de son club, ainsi que ceux de la Fédération mexicaine de football (FMF), le soutiennent aussi, valorisant ses qualités sportives et humaines. Mais le règlement de la FMF, qui interdit aux joueurs toute conduite illégale, les a contraints de l’exclure des terrains.

« Rafa est irremplaçable. » Guillermo Cantu, secrétaire général de la FMF

Rafael Márquez s’est dit « disposé à collaborer avec la justice », après s’être rendu de lui-même au ministère public mexicain pour donner sa déposition. Depuis, ses proches confient qu’il souhaite sauver la fin de sa carrière en sortant de cette « liste noire » pour pouvoir participer à la prochaine Coupe du monde en Russie. Selon la loi américaine, ses avocats peuvent faire appel de la décision du département du Trésor : ils devront alors prouver que son patrimoine n’est pas lié au narcotrafic. Une démarche qui pourrait prendre des mois, voire des années. Et le temps presse.

Le 31 août, sur la chaîne américaine Fox Sports, Guillermo Cantu, secrétaire général de la FMF, a rappelé que « Rafa est irremplaçable » au sein de la sélection nationale. Les supporteurs retiennent leur souffle dans l’espoir de voir, en 2018, leur pays passer enfin les quarts de finale d’une Coupe du monde.