Des maisons détruites par l’ouragan Irma, sur l’île de Saint-Martin, le 7 septembre. / LIONEL CHAMOISEAU / AFP

L’ouragan Irma poursuit sa route funeste dans les Caraïbes, semant désolation et mort sur son passage. Ce cyclone de la taille de la France, le plus puissant jamais enregistré dans les Antilles avec des vents à près de 300 km/h, a ravagé plusieurs petites îles du nord de l’arc antillais. Après Saint-Martin et Saint-Barthélémy, ce sont les Îles Vierges américaines, Porto Rico et les îles britanniques de Turks-et-Caïcos qui ont été à leur tour dévastées.

Irma, passé au nord de la République dominicaine et de Haïti dans la nuit de jeudi à vendredi, devait frapper Cuba et les Bahamas vendredi 8 septembre, avant de fondre sur le sud de la Floride dans la nuit de samedi à dimanche, où il pourrait déclencher de violentes ondes de tempêtes et inondations.

Au moins 14 personnes ont été tuées lors du passage de l’ouragan, selon les bilans provisoires, vendredi. Quatre d’entre elles ont péri sur la partie française de Saint-Martin, en plus d’une cinquantaine de blessés, et une côté néerlandais. Quatre autres sont mortes dans les Îles Vierges américaines, où un hôpital a été considérablement endommagé. L’île de Barbuda, où une personne a été tuée, a été réduite en ruines, selon le premier ministre, Gaston Browne.

« Apocalypse »

Sur le territoire britannique d’Anguilla, qui enregistre un décès, l’hôpital, l’aéroport et les lignes électriques et téléphoniques ont été détériorés. Trois autres morts sont à déplorer à Porto Rico, où deux tiers des 3 millions d’habitants étaient sans électricité. Un surfeur serait en outre décédé dans les Barbades. En Haïti, l’ouragan a provoqué des inondations, des arbres et des toits arrachés, et fait plusieurs blessés, selon Médecins du monde.

Les quelques nouvelles qui filtrent de l’île franco-néerlandaise de Saint-Martin et de l’île française de Saint-Barthélémy, connues pour leurs décors de cartes postales et encore coupées du monde vendredi matin, ne sont guère rassurantes. Les sinistrés évoquent des scènes de « cauchemar », d’« apocalypse » causées par le déchaînement d’Irma durant trente-trois heures. Plusieurs scènes de pillage ont également été signalées par des témoins.

Sur ces deux territoires, dont 95 % des infrastructures ont été détruites, l’état de catastrophe naturelle devait être signé dès vendredi selon le premier ministre, Edouard Philippe. Les habitants s’emploient désormais à déblayer les rues. Toutes sont inondées ou obstruées par les ruines de bâtiments, les tôles et les pans de toitures soufflées par les vents, les carcasses de voitures retournées, les épaves de bateaux poussées jusqu’à terre, les arbres déracinés et la végétation arrachée. 

« On est un peu livrés à nous-mêmes, c’est la catastrophe. On attend les secours », explique Olivier Toussaint, un habitant de Saint-Barthélémy

« Stupeur et inquiétude à St-Martin et St-Barth. Priorités : restaurer l’ordre public et coordonner les moyens. Ensuite reconstruire », a tweeté la ministre des outre-mer, Annick Girardin, à la suite d’un survol en hélicoptère des deux îles, jeudi.

« On est un peu livrés à nous-mêmes, c’est la catastrophe. On attend les secours », a déclaré, par téléphone à l’AFP, Olivier Toussaint, un habitant de Saint-Barthélémy. A Saint-Martin, « 95 % des habitations sont touchées et 60 % sont inhabitables », a déclaré M. Philippe, citant des chiffres de la collectivité de Saint-Martin. « L’électricité est coupée, l’eau potable est absente, l’essence indisponible, les routes encombrées et partiellement impraticables. » Selon lui, le port, l’aéroport régional et les hôpitaux fonctionnent cependant partiellement. De son côté, EDF prédit « des semaines et des mois » avant un retour à la normale de l’électricité sur les îles.

Selon la Caisse centrale de réassurance, un réassureur public spécialisé dans les catastrophes naturelles en France, le coût des dégâts pour les Antilles françaises devrait être « bien supérieur » à 200 millions d’euros. Les victimes de l’ouragan peuvent espérer une réparation des dommages « dans les deux, trois mois » dans le cadre d’une procédure accélérée, estime son directeur général, Bertrand Labilloy, interrogé par la chaîne CNews.

« La prochaine cible d’Irma, c’est Cuba et cela va être vraiment violent », prévient Steven Testelin, prévisionniste à Météo France. L’ouragan, qui se déplace toujours à 26 km/h, va frôler la côte nord, au centre de l’île, et peut-être même empiéter au-dessus du territoire samedi matin (vers midi en heure française). De quoi causer de très sérieux dégâts. Les autorités ont entamé l’évacuation de certains des 51 000 touristes étrangers, en particulier dans les stations balnéaires septentrionales. A ce moment-là, Irma pourrait se recharger en énergie dans les eaux chaudes près de la Floride et se maintenir en catégorie 5, la maximale sur l’échelle Saffir-Simpson.

Sur le pied de guerre

L’Etat du sud-est américain est sur le pied de guerre pour affronter la tempête. Les autorités, qui ont décrété l’état d’urgence, ont ordonné l’évacuation des résidents de l’archipel des Keys, au sud de Miami, qu’Irma devrait toucher en premier. Au moins 25 000 personnes ont quitté la zone. Les 100 000 habitants du comté de Miami-Dade ont également reçu l’ordre de se déplacer vers les hauteurs de la ville.

La mairie a mis en place quatre centres d’accueil et des sacs de sable ont été distribués dans les quartiers en zone inondable. L’appel des autorités à faire trois jours de stocks en eau et en nourriture a entraîné des pénuries. Des centaines de personnes faisaient la queue aux stations-service et supermarchés pour acheter bouteilles, provisions et de l’essence et quitter la ville avant l’arrivée d’Irma.

Les compagnies aériennes américaines ont multiplié les vols pour tenter d’évacuer le maximum d’habitants. Elles prévoient de suspendre les opérations dans le sud de la Floride à compter de vendredi soir. Plus au Nord, 540 000 résidents de l’Etat de Georgie devront quitter les lieux dès samedi, a annoncé le gouverneur, Nathan Deal. Le fournisseur d’électricité Florida Power & Light a annoncé jeudi la fermeture à compter de vendredi soir et samedi matin de ses deux centrales nucléaires sur les côtes de la Floride, à six mètres au-dessus du niveau de la mer.

Pour les Antilles, le cauchemar n’est pas fini : José, une autre puissante tempête tropicale de catégorie 3 ou 4, avance dans l’Atlantique. « L’œil de ce cyclone ne devrait pas passer au-dessus de Saint-Martin ni de Saint-Barthélémy, qui sont en vigilance orange, mais à une centaine de kilomètres au nord, nord-est, assure Steven Testelin. Le scénario est encore incertain. On attend cependant des rafales de vent à 130 km/h samedi après-midi là-bas, avec de fortes pluies orageuses et des vagues de 5 mètres. » Enfin, un dernier ouragan, Katia, de catégorie 1, se dirige vers le Mexique.