Le premier ministre Edouard Philippe, à l’Hôtel Matignon, à Paris, le 31 août 2017. / ALAIN JOCARD / AFP

L’éditorial du « Monde ». La polémique enfle depuis quelques semaines. Ici, ce sont des directeurs d’école qui ne savent pas comment assurer le service dans les cantines ou la surveillance dans les cours de récréation. Là, des maisons de retraite qui s’alarment de ne pouvoir garantir une présence suffisante auprès des personnes âgées. Ailleurs, les Restos du cœur qui manquent de bras pour servir leurs repas ou des clubs sportifs qui manquent de moniteurs pour encadrer les jeunes qu’ils accueillent.

Edouard Philippe applique une diminution brutale du nombre d’emplois aidés décidée sous la présidence Hollande.

Pour assurer ces tâches d’utilité collective, tous comptaient sur des emplois aidés, ces contrats instaurés depuis une quarantaine d’années sous des formes multiples et largement subventionnés par l’Etat pour favoriser l’emploi de personnes, en particulier de jeunes, écartées du marché du travail. Mais, au creux de l’été, beaucoup ont été informés du jour au lendemain que, faute de financement public suffisant, ils devraient se priver d’une partie de ces précieuses embauches.

Le gouvernement en position d’accusé

La nouvelle a naturellement déclenché leur colère, attisée sans beaucoup de scrupule par les associations d’élus locaux. Il est ainsi piquant d’entendre François Baroin, président de l’Association des maires de France, défendre la main sur le cœur ces contrats « de la deuxième chance », alors que le candidat qu’il soutenait à la présidentielle (François Fillon) proposait tout bonnement de les supprimer !

Voilà donc le gouvernement en position d’accusé. Peu importe, aux yeux de ses détracteurs, que la diminution brutale du nombre d’emplois aidés cette année ait été décidée sous la présidence Hollande : alors qu’il en avait financé 460 000 en 2016 pour réduire à tout prix le nombre des chômeurs, le gouvernement socialiste n’en avait budgété que 280 000 pour 2017 et les avait largement engagés durant les premiers mois de l’année. L’été venu, tout le monde se trouva donc fort dépourvu, contraignant le gouvernement actuel à promettre quelque 40 000 contrats supplémentaires pour régler les situations les plus délicates.

Pour favoriser le retour à l’emploi, le premier ministre compte sur un puissant effort en matière de formation.

Mais le premier ministre est en porte-à-faux pour une raison plus fondamentale. Partageant les critiques de la Cour des comptes, sèchement réitérées en juin dans son audit sur les finances publiques, Edouard Philippe n’a jamais caché son intention de réduire le nombre d’emplois aidés.

Il juge ce dispositif « coûteux » (4,2 milliards d’euros en 2016) et « inefficace » en termes d’insertion professionnelle, puisqu’un quart seulement des emplois aidés dans le secteur non marchand (collectivités locales, associations…) débouchent ensuite sur un emploi durable.

Des tâches de service public

Il vient d’ailleurs de confirmer que le budget 2018 ne financerait pas plus de 200 000 contrats aidés, ciblés en priorité sur l’accompagnement des enfants handicapés, l’outre-mer et les secteurs d’urgence sanitaire et sociale. Pour favoriser le retour à l’emploi, il compte, au contraire, sur un puissant effort en matière de formation.

Sur le papier, cette philosophie ne manque ni de pertinence ni de cohérence. Dans la réalité, elle se heurte à deux objections. D’une part, la formation est une démarche de longue haleine quand les tâches de service public assurées par les emplois aidés sont immédiates. Comment développer l’une sans délaisser les autres ?

D’autre part, même s’ils ne débouchent pas massivement sur l’emploi, les contrats aidés sont un indéniable facteur d’insertion sociale pour leurs bénéficiaires. Peut-on tenir cette réalité pour négligeable ? Pour convaincre, le premier ministre devra répondre à ces deux interrogations.