Guillermo del Toro a reçu le Lion d’or, samedi 9 septembre 2017, à la 74e Mostra de Venise pour son film « The Shape of Water ». / TIZIANA FABI / AFP

Fin de partie à la Mostra, samedi 9 septembre au soir, après une dizaine de jours de films extrêmement inégaux. Dominée par les titres américains, italiens et français, qui représentaient à eux seuls plus des trois quarts de la compétition, la Mostra a donc opéré dans sa section la plus prestigieuse une inquiétante réduction du monde du cinéma. Encore faut-il préciser que les quatre films de la sélection italienne, particulièrement décevants, n’étaient visiblement pas là pour leur vertu artistique mais par une nécessité politique qui oblige le festival.

En tout état de cause, et à quelques heures de la remise des prix, les suffrages de la critique italienne et du public se rejoignaient en faveur du film de l’Anglais Malcolm McDonagh, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, une comédie noire réussie, bien dans l’esprit des frères Coen. Les critiques internationaux, sans minorer ce dernier titre, penchaient quant à eux davantage du côté de The Shape of Water, beau songe cinéphile et apologie politique des monstres (qui ne sont évidemment jamais ceux qu’on croit) réalisée par le grand Guillermo del Toro. Ce titre aura de fait constitué ce qu’on aura vu de plus fort, de plus touchant et de plus inventif durant ces dix jours, avec La Villa, de Robert Guédiguian, Ex Libris, de Frederick Wiseman et Mektoub, My Love, Canto Uno, d’Abdelatif Kechiche.

Le jury présidé par l’actrice Annette Bening n’aura que très partiellement validé ce sentiment, couronnant certes d’un Lion d’or l’incontestable aura de The Shape of Water, mais ignorant trois films magnifiques, et quelques autres très honnêtes, au profit d’œuvres plus discutables. Palmarès sans tonalité donc, sans parti pris, récompensant aussi bien la parabole maniériste (Foxtrot, de l’Israélien Samuel Maoz) que le dossier naturaliste (Jusqu’à la garde, premier long-métrage de Xavier Legrand), tant l’abattage du film à thèse (Kamel El Basha dans L’Insulte, du Libanais Ziad Douairi) que le mutisme abstrus d’un exercice de style (Charlotte Rampling dans Hanna, de l’Italien Andra Pallaoro).

Des monstres en grand nombre

Peu de choses à glaner côté palmarès, donc, mais peut-être davantage du côté des œuvres parmi lesquelles planaient quelques thèmes obsédants. Ainsi celui de la maison, de la ville, de l’habitat, autant dire du monde qui est le nôtre et dans lequel nous nous demandons de plus en plus comment continuer à l’habiter. Downsizing, d’Alexander Payne, Suburbicon, de George Clooney, Mother, de Darren Aronofsky, La Villa, de Robert Guédiguian, Angels Wear White, de Vivian Qu (intéressant film féministe chinois) ont ainsi pas mal tourné autour, pour en rire (jaune) ou en pleurer des larmes de sang.

Les monstres étaient également là en grand nombre, mais pas forcément aussi plaisants que la superbe créature amphibie dont tombe amoureuse l’héroïne de The Shape of Water. Plutôt des gens comme vous et moi : le père de famille psychopathe de Suburbicon (George Clooney), le petit entrepreneur du trafic d’enfants de Una Famiglia (Sebastiano Riso), le mari violent de Jusqu’à la garde (Xavier Legrand), l’écrivain de Mother (Darren Aronofsky). Il se trouvait souvent d’ailleurs que les monstres étaient dans la maison. On en est là.

Le palmarès de la 74e Mostra de Venise

Lion d’or
The Shape of Water, de Guillermo Del Toro.

Grand Prix
Foxtrot, de Samuel Maoz.

Prix de la mise en scène
Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand.

Prix d’interprétation féminine
Charlotte Rampling, pour Hannah.

Prix d’interprétation masculine
Kamel El Basha, pour L’Insulte.

Prix du scénario
Martin McDonagh, pour Three Billboards Outside Ebbing, Missouri.

Prix du jury
Sweet Country, Warwick Thornton.