En 1949, Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes) accueillait les premiers championnats du monde de ski nautique. Soixante-huit ans plus tard, les meilleurs spécialistes de la discipline se retrouvent pour la 35e édition des Mondiaux… en banlieue parisienne. Le plan d’eau du parc interdépartemental des sports de Paris Val-de-Marne, situé sur la commune de Choisy-le-Roi, est moins enchanteur que la côte d’Azur, mais témoigne d’une volonté d’ouverture de ce sport en direction des centres urbains.

Douze fois champion du monde, dont la première fois à seulement 15 ans en 1979, Patrice Martin, aujourd’hui président de la Fédération française de ski nautique et de wakeboard, défend l’universalité de son sport et rêve de le voir entrer au programme olympique.

Pourquoi avoir choisi d’organiser ces Mondiaux de ski nautique en banlieue parisienne ?

L’idée était que la Fédération organise la compétition sur un plan d’eau proche d’une grande ville, dans un lieu facilement accessible en transports en commun et adaptable au ski nautique. Il y a deux ans, nous nous étions fait la main lors des championnats d’Europe et la Fédération internationale de ski nautique (IWWF) a pensé que nous étions capables d’organiser les Mondiaux à Choisy-le-Roi. Cela rejoint ma vision du développement de notre sport, qui passe par un renforcement de la promotion et de la médiatisation de nos grandes compétitions.

Awesome Pro Mens Slalom Final - IWWF Ski Worlds, Mexico 2015
Durée : 12:18

Cent cinquante-quatre athlètes issus d’une trentaine de pays participent à la compétition. Le ski nautique est-il un sport universel ?

C’est, en tout cas, un record de participation. Nous avons 84 fédérations affiliées à l’IWWF. Je suis un défenseur de l’universalité du sport. Je pense donc que le virage développé depuis quelques années, qui consiste à se doter de bateaux et de moteurs toujours plus performants, équipés de régulateurs de vitesse dernier cri, n’est pas le bon.

Dans les années 1980, on allait dans la direction inverse grâce à des engins qui consommaient moins, faisaient moins de vagues et étaient moins destructeurs pour les berges. Si l’on continue cette course à l’armement, des pays comme la Malaisie ou l’île Maurice, par exemple, ne pourront pas suivre. Et cela avantage en compétition ceux qui ont les moyens de s’entraîner durant l’année sur ces bateaux ultramodernes.

Le ski nautique regroupe trois disciplines : le slalom, le saut et les figures. Pouvez-vous nous les présenter ?

En slalom, le skieur doit effectuer une série de virages entre des bouées. Il y a en six au total. Sur le trajet retour, on augmente la vitesse progressivement jusqu’à un maximum de 55 km/h pour les femmes et 58 km/h pour les hommes. Et, pour corser la chose, on diminue au fur et à mesure la longueur de la corde. On part de 18,25 m pour arriver – pour les meilleurs – autour de 10,25 m. Le record du monde est de deux bouées et demie passées avec une corde de 9,75 m.

L’épreuve des figures se déroule sur deux parcours de vingt secondes et se rapproche du patinage artistique : le skieur présente des figures qui rapportent un certain nombre de points, en fonction de leur degré de difficulté. Il les choisit dans un panel homologué et ne peut pas les doubler sur un même parcours. Les juges valident ou non chaque mouvement à la majorité.

Le saut se réalise sur un tremplin. Il faut aller le plus loin possible, atterrir sur les skis et finir en tenant la corde. Enfin, il existe une épreuve combinée, qui désigne le skieur le plus complet.

Championnats du monde de ski nautique
Durée : 02:15

La France a-t-elle les moyens de gagner le classement par équipes ?

Lors des derniers Mondiaux, les Canadiens l’ont emporté devant les Etats-Unis et la France. Les Australiens étaient quatrièmes et les Biélorusses cinquièmes. Notre concurrent en Europe est la Biélorussie, que l’on ne bat pas à chaque fois. Cinq nations sont dans un mouchoir de poche.

Ici, nous avons l’avantage du terrain car nous nous sommes entraînés plus longtemps que les autres. On connaît les particularités du plan d’eau, pas aussi protégé que certains autres spécifiquement conçus pour le ski nautique. Mais un champion doit s’adapter et être réactif.

Autant on imagine aisément pourquoi les Américains et les Australiens sont parmi les meilleurs mondiaux, autant les performances des Biélorusses interpellent…

C’est une tradition soviétique, notamment, au départ, chez les femmes. L’élite du ski nautique était basée à Minsk. Il y a eu aussi dans les années 1980, et encore un peu dans les années 1990, des échanges avec des entraîneurs français qui se sont rendus sur place. Les Biélorusses étaient bons dans l’épreuve des figures et ils sont devenus complets en développant peu à peu le saut et le slalom. Un autre pays de l’Est arrive sur la scène internationale : l’Ukraine gagne beaucoup de titres dans les catégories de jeunes.

CHAMPIONNATS DE FRANCE SKI NAUTIQUE 2016 EZY FIGURES HOMMES
Durée : 04:40

Vous dites parfois que le fait de ne jamais avoir participé aux Jeux olympiques comme athlète ne constitue pas un regret personnel. En tant que président de fédération, vous vous battez pour que le ski nautique intègre le programme olympique. Est-ce réalisable ?

Il faut toujours avoir des objectifs. Ce n’est pas parce que je n’ai jamais participé aux Jeux en tant que sportif que le rêve n’est pas toujours là. Ce serait une très belle réussite que d’y aller en tant que président de fédération. Ce serait, en quelque sorte, ma médaille d’or olympique. Nous avons été sport de démonstration en 1972 à Munich. Nous avons été sur la short list des sports susceptibles d’intégrer les Jeux en 2016 et en 2020. Sans succès, mais cela prouve que nous figurons parmi les sports auxquels le CIO réfléchit. Pourquoi pas pour les Jeux à Paris en 2024 ?

Quels sont vos atouts ?

Il faut se demander ce que l’on peut apporter aux Jeux. Nous pensons que la discipline la plus adaptée au programme olympique est le wakeboard câble. Cette glisse nautique urbaine [le concurrent utilise une planche, le wakeboard, et est tracté par un téléski nautique] est plus vendeuse pour le CIO. Mais ça donnerait un coup de projecteur à l’ensemble des disciplines.