La ville de Marigot, à Saint-Martin, le 9 septembre, après le passage de l’ouragan Irma. / MARTIN BUREAU / AFP

Les cris de joie emplissent la maison. A 16 heures, samedi 9 septembre, la radio qui émet en anglais dans la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin, vient d’annoncer la rétrogradation de l’ouragan José en tempête tropicale. Les vents resteront forts et les mesures de confinement sont maintenues. Mais le soulagement se lit sur les visages des familles Illitch et Richardson, qui vivent dans une grande maison, rue de l’Espérance, à Grand-Case, juste en face de l’aéroport de la partie française.

Eddy Illitch, qui travaille pour la communauté de Saint-Martin dans une école primaire, sa mère Vertulie, tout comme son frère Philippe Richardson et sa famille, respirent. Depuis trois heures, ils guettaient les signes annonciateurs de l’ouragan. Il a beaucoup plu, les températures sont montées, mais les vents n’ont pas encore forci. Les jeunes Richardson jouent aux dominos avec leur mère, Juliette, on grignote des côtes de porc – il faut les manger vite car depuis trois jours, il n’y a plus d’électricité et donc plus de frigo –, tandis qu’Eddy guette les informations à la radio.

Rester prudent

Plus tôt, dans la matinée, au centre opérationnel, dans le quartier de la Savane, la préfète Anne Laubies, en présence de la ministre de l’Outre-mer, Annick Girardin, a décidé de faire passer les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy en alerte violette, à 13 heures, soit le confinement total de la population.

« En cas d’ouragan, l’usage est de déclencher le confinement cinq heures avant l’heure estimée du passage de l’ouragan, explique la préfète à la ministre. Toutes les zones risquent d’être impactées, la baie de Gustavia à Saint-Barthélémy, Marigot et Concordia, les quartiers de Grand-Case et la Savane, la baie orientale, etc. sur Saint-Martin. » Anne Laubies veut éviter de nouvelles victimes et craint que, les vents étant annoncés moins violent que durant le passage d’Irma, les gens soient moins prudents. « José va rester très dangereux justement parce qu’il passe après Irma. Les routes sont encombrées de débris, de nombreuses tôles et tout cela risque de s’envoler et de faire des victimes, des bâtiments fragilisés peuvent s’effondrer », ajoute la préfète.

Dans une pièce voisine, le général Gilles Bazir, qui dirige le centre opérationnel, dresse un dernier bilan (toujours provisoire) : 10 morts, 247 blessés dont 7 en urgence absolue. « La totalité des blessés qui étaient à l’hôpital de Marigot [grandement endommagé par l’ouragan] a pu être transférée vers la Guadeloupe et nous sommes relativement sereins pour José : les habitants se sont plutôt bien protégés pendant Irma, et l’épisode devrait être moins violent », précise le général.

Attente à l’aéroport

En milieu d’après-midi, alors que l’île s’apprête à entrer en alerte violette, des dizaines de personnes attendent encore, à l’aéroport, d’être embarqués. Trois dernières rotations permettent de faire partir quasiment tout le monde, soit plus d’une cinquantaine de personnes, enfants accompagnés de leurs parents pour certains. Nombreux sont ceux qui attendaient depuis deux jours devant l’« Aérogare de l’Espérance », la bien-nommée.

En face, dans le quartier du même nom, les coups de marteau résonnent, chacun se prépare à l’arrivée de José en clouant des planches sur les fenêtres, en scotchant les carreaux. Dans sa maison blanche et rose de deux étages, Eddy Illitch passe la raclette et balaye la cour. Il s’est mis à pleuvoir dru et l’eau ruisselle déjà dans la cour.

D’ici quelques heures, le niveau de l’eau devrait monter fortement. La préfète redoute d’ailleurs plus les inondations que les vents pour ce deuxième épisode cyclonique. Sur la route qui passe devant la maison, la circulation cesse petit à petit. Et même la grande route que l’on aperçoit au loin, celle qui descend vers Marigot, semble déserte.

Ne pas compter sur un « miracle »

Philippe Richardson et son épouse Juliette sont tous les deux chauffeurs de taxi. Mais leurs voitures sont bien à l’abri dans un garage. Philippe, 46 ans, l’aîné d’Eddy, [Eddy et Philippe sont nés de père différent], était élu conseiller territorial dans la dernière mandature (2012-2107). « J’ai décidé d’arrêter la politique, mais je suis sûr que la communauté territoriale va faire ce qu’il faut. Les élus vont faire en sorte que Saint-Martin rebondisse vite. Les gens doivent patienter un peu, il ne peut pas y avoir de miracle. Mais la meilleure chose serait que les habitants se donnent la main pour nettoyer », explique, bonhomme, Philippe Richardson.

A 17 heures, samedi, alors que José est annoncé dans une heure, les vents forcissent. Mais encore nombreuses sont les personnes qui se risquent dehors. Chez les Illich-Richardson, tout le monde est assis sur la terrasse devant la maison. Ils viennent d’accueillir trois jeunes Guadeloupéennes, réfugiées dans une voiture devant l’aéroport, qui étaient en vacances sur l’île et ont vu leur hôtel détruit. Une pièce a été nettoyée pour leur permettre de se réfugier entre quatre murs. A Saint-Martin, au-delà des problèmes importants de sécurité – la radio en langue anglaise vient d’annoncer des vols de carburants dans les nombreuses voitures laissées à l’abandon – la solidarité entre habitants est réelle.