Valérie Pécresse lance son mouvement, Libres ! / BERTRAND GUAY / AFP

Valérie Pécresse a l’intention de faire entendre sa voix. Dimanche 10 septembre, la présidente de la région Ile-de-France a lancé son mouvement, Libres !, à Argenteuil (Val-d’Oise). Dans un discours de quarante minutes, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy a exposé sa vision de la droite en se différenciant de Laurent Wauquiez, candidat à la présidence du parti Les Républicains (LR).

« J’ai la conviction intime que rien ne serait pire que de repartir comme avant », a lancé Mme Pécresse devant son auditoire : « Rien ne serait pire que de servir aux Français la saison 3 de à droite toute !, une série dont ils connaissent déjà le scénario, dont ils anticiperont à l’avance les péripéties, une série vue et revue, avec des mots entendus, des réflexes
stéréotypés… »

Avec le lancement de ce mouvement, l’ancienne ministre du budget a l’intention d’occuper l’espace politique entre Emmanuel Macron et M. Wauquiez, dont les positions droitières inquiètent l’aile modérée de LR. Une troisième voie sans concession pour le président de la République mais aussi très dure contre l’aile la plus dure de LR.

« Manque d’audace et de fermeté »

Dimanche, elle a donc pointé « le manque d’audace réformatrice », le « manque de fermeté » face au terrorisme islamiste et l’aveuglement de M. Macron face aux fractures territoriales. « A ce stade, le bilan d’Emmanuel Macron est bien maigre », a-t-elle déclaré en estimant que la loi travail « va dans la bonne direction mais ne suffira pas, à elle seule, à vaincre le fléau du chômage » :

« La cohésion nationale, ce ne sont pas des villes prospères face à des campagnes ou des quartiers populaires abandonnés. »

Plus que sa charge contre l’exécutif, ce sont ses allusions à la tentation de la dérive droitière qui ont retenu l’attention. Après avoir perdu l’élection présidentielle puis les élections législatives, la droite est en manque d’un leader. Déjà six personnalités se sont déclarées candidates à la présidence du parti dont l’élection aura lieu en décembre. Si elle n’est pas candidate, Mme Pécresse veut participer à la refondation.

Dimanche, elle a plusieurs fois critiqué de façon implicite le favori, Laurent Wauquiez. « Ni Macron ni Buisson, une troisième voie est à inventer. (…) Rassembler toutes les sensibilités de la droite et du centre. Refuser toute porosité avec le Front national. Ce qui fait la force d’âme de la droite, c’est d’avoir toujours préféré Charles de Gaulle à Charles Maurras », a estimé la présidente de la région Ile-de-France : « Quand la droite se rétrécit elle perd, quand elle s’élargit elle gagne. »

Ferme sur les questions sécuritaires

Dimanche, l’ancienne ministre s’est montrée ferme sur les questions sécuritaires et migratoires en proposant l’installation de « centres de contrôle aux portes de l’Europe ». Mais elle s’est aussi faite la porte-parole d’une droite plus moderne en rendant hommage à Simone Veil, en promettant de faire de l’égalité entre les hommes et les femmes la priorité de son engagement mais aussi en se prononçant contre l’abrogation du mariage homosexuel, un sujet toujours clivant à droite.

« Arrêtons ainsi de promettre l’abrogation de la loi Taubira sur le mariage pour tous. Nous savons bien qu’il est impossible d’y revenir car, derrière cette loi, il y a des couples qui s’aiment », a-t-elle lancé en se décrivant comme une gaulliste sociale. Une façon de se différencier une nouvelle fois de M. Wauquiez qui a des liens avec Sens commun, l’émanation politique de La Manif pour tous.

Avec ce discours et le lancement de Libres !, Mme Pécresse prend date dans la bataille pour le leadership à droite. Contrairement aux « constructifs » qui ont fondé un groupe dissident à l’Assemblée et ont fait le deuil d’un parti potentiellement dirigé par Laurent Wauquiez, la présidente de la région Ile-de-France a répété plusieurs fois que son mouvement s’inscrivait au sein de LR. « Elle a choisi la refondation de l’intérieur », explique un de ses proches :

« L’idée, c’est aussi de retenir des gens qui seraient tentés d’aller voir ailleurs, d’éviter une hémorragie. Le rêve de Macron, c’est d’avoir seulement Mélenchon et Wauquiez face à lui, nous représentons une alternative. »

Pas de candidature à la présidence du parti

Poussée par de nombreux élus, la présidente de la région Ile-de-France a renoncé à se présenter face à M. Wauquiez tout en l’attaquant durement tout l’été, notamment dans une interview au JDD, le 8 juillet 2017. « Ce qui se dessine, c’est une ligne d’opposition brutale et très conservatrice », avait-elle déclaré à l’hebdomadaire en critiquant la « ligne Buisson » et « la nostalgie de la France d’hier » :

« Je pense que si nous avons perdu la présidentielle, ce n’est pas seulement sur la question de l’exemplarité ou à cause de la guerre des chefs, mais aussi parce que nous avions un problème de ligne. On a donné le sentiment qu’on préférait la France d’avant à la France d’aujourd’hui. »

Selon plusieurs de ses proches, Mme Pécresse ne s’est jamais posé la question de sa candidature à la présidence du parti. Elle tient à faire ses preuves à la tête de sa collectivité et est surtout consciente de la popularité de M. Wauquiez chez les militants très sarkozystes. La présidente de la région Ile-de-France a, elle, été longtemps proche de François Fillon avant de rejoindre Alain Juppé lors de la campagne de la primaire. Europhile et libérale, elle s’adresse à un électorat qui avait été séduit par le maire de Bordeaux et qui est aujourd’hui attiré par M. Macron.

« A l’intersection »

Ses proches la décrivent « à l’intersection » des différentes droites et parient qu’elle peut peser face à Laurent Wauquiez dans les années à venir. Pour incarner une alternative, Mme Pécresse parie sur le temps long, et sur l’éventuelle déception de l’électorat de droite à l’égard du président de la République, notamment les milieux ruraux et périurbains.

Dimanche, elle a pris bien soin de s’afficher aux côtés de nombreux maires, notamment Natacha Bouchard, maire de Calais (Pas-de-Calais), Robin Reda, maire de Savigny-sur-Orge (Essonne), ou Frédéric Soulier, maire de Brive-la-Gaillarde (Corrèze).

A court terme, le principal problème de Mme Pécresse est la division des opposants à M. Wauquiez. Tout un pan du juppéisme et de la droite a décidé de participer à la majorité de M. Macron au sein des « constructifs » tandis que Xavier Bertrand et Christian Estrosi ont leur propre agenda. Le premier dit ne plus croire dans les partis politiques et patiente en attendant son heure tandis que le second vaut lui aussi structurer un réseau de maires. De son côté, Laurent Wauquiez a de bonnes chances de prendre le contrôle du parti, une forteresse où il disposera de plusieurs leviers pour essayer de rassembler les différentes familles de la droite.