L’ancien conseiller stratégique du président Trump, Stephen Bannon, a donné sa première interview télévisée, dimanche 10 septembre, sur CBS. Au cours de cet entretien, il revient sur son parcours à la Maison Blanche, qu’il a quittée le 18 août. Il tire un bilan des huit premiers mois de la mandature Trump, en défendant le personnage du président, tout en qualifiant le renvoi du directeur du FBI, James Comey, de « plus grosse erreur de l’histoire moderne ». Sans surprise, il affiche par ailleurs son mépris pour « l’establishment » politique de Washington, et entre autres théories, accuse l’Eglise catholique de favoriser l’immigration illégale pour « remplir les églises ».

Dans cette interview, Stephen Bannon revient sur les méthodes de communication du président. Redevenu à plein-temps le directeur du site d’information d’extrême droite Breitbart News, il affirme être toujours le meilleur soutien de Donald Trump et révèle que, dans les moments de crise de la campagne, la surenchère était maîtrisée.

Doubler la mise

Stephen Bannon revient par exemple sur l’affaire de la vidéo (datant de 2005) où l’on entend Trump faire des commentaires grossiers sur les femmes, sortie dans la presse au début du mois d’octobre 2016, à peine un mois avant l’élection. Il raconte une réunion de crise organisée à New York, où se trouvent les conseillers les plus proches de Trump, et des membres de l’establishment républicain. Parmi eux, Chris Christie, sénateur du New Jersey, et Reince Priebus, alors président du Comité national républicain.

Selon le récit de Stephen Bannon, Reince Priebus aurait prédit à Donald Trump : « Vous avez deux choix : soit vous abandonnez maintenant, soit vous continuez, et vous allez perdre, dans le plus gros raz-de-marée de l’histoire politique des Etats-Unis ». Mais Stephen Bannon n’y croit pas.

« En écoutant les hommes politiques qui étaient là, j’ai compris que leur inclination naturelle est de se laisser assommer, de manière indépassable, par le choc qu’ils reçoivent lorsque les médias leur tombent dessus. Mais Trump n’était pas comme ça. Lors de cette réunion, j’ai été le dernier à parler, et j’ai dit : “Vous avez 100 % de chances de gagner.” »

« Vous donnez l’impression que vous avez fait cela pendant toute la campagne, répond le journaliste Charlie Rose. Lorsqu’il était en difficulté, vous lui conseilliez de doubler la mise sur la rhétorique, de doubler la mise dans son appel du pied à sa base électorale. » Stephen Bannon révèle alors le fond de son analyse sur cette affaire de commentaire sexiste, dont de nombreux commentateurs ont cru – à tort – qu’elle avait le pouvoir de faire basculer l’élection en faveur de la candidate démocrate.

« Dans son appel vers la classe ouvrière, absolument, je lui conseillais de doubler la mise. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’il allait gagner. Ce jour-là, il s’est presque énervé, il m’a dit : “Allons, il n’y a pas 100 % de chances”, et j’ai répondu que si. Et j’ai dit pourquoi. Parce que les électeurs s’en moquent [de la question du sexisme]. »

Twitter pour « démédiatiser les médias »

L’ancien conseiller du président défend la posture « présidentielle » de celui qui est souvent considéré comme réagissant de manière impulsive, directe, notamment sur le réseau social Twitter. « C’est votre première interview télévisée, rappelle Charlie Rose. Vous me dites que Donald Trump est un personnage historique et qu’il ne mérite pas de critiques. » Stephen Bannon répond :

« Si j’en avais une, c’est peut-être qu’il pense encore que [la politique] est une affaire de personnalités, qu’il suffit de faire changer untel ou untel d’avis. Mais vous allez voir avec le temps qu’il va avoir une meilleure compréhension du fait que cette ville est dominée par les institutions, et qu’il faut s’engager dans un corps à corps avec elles en tant qu’institutions, pas en tant que somme de personnalités. »

Charlie Rose fait remarquer que Stephen Bannon décrit précisément ce qu’on appelle une posture « présidentielle » : un rapport aux institutions dont Donald Trump est accusé de manquer. L’ancien conseiller se lance alors dans une critique des médias qui jugent l’usage de Twitter du président peu « présidentiel ». « Ce qu’il fait avec Twitter est extraordinaire. Il crée un média sans intermédiaire. Il passe par-dessus la tête des médias traditionnels pour parler directement aux Américains. »