Salon de la rentrée Studyrama, le 8 septembre 2017. / Eric Nunès / Le Monde

Trouver une école, « c’est stress », raconte Cheyenne, néo-bachelière. Titulaire d’un bac professionnel action commerciale, mais recalée par le système d’Admission post bac (APB), la jeune fille recherche un établissement qui lui ouvrira ses portes en parcourant les allées du Salon Studyrama de la rentrée étudiante, vendredi 8 septembre, à la Cité universitaire, à Paris. Comme elle, ils sont encore 3 000 naufragés d’APB, titulaires d’un bac technologique ou professionnel pour la plupart, sans orientation, alors que l’heure de la rentrée a, pour beaucoup, déjà sonné. Comme elle, ils sont des centaines à devoir examiner les solutions proposées par l’enseignement privé et payant, quitte à mettre à contribution leur famille ou à s’endetter.

Cela ira mieux demain ! C’est en substance le message envoyé par le gouvernement à ces jeunes en déshérence. Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, a affirmé sa volonté, pour la rentrée 2018, d’augmenter de manière « substantielle » le nombre de places. Cent mille ouvertures dans les filières courtes, c’était également une promesse d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

« Et nous ? D’ici à l’an prochain, on reste chez nous sans rien faire ? », interroge Iheb, 19 ans, bac technologique sciences et technologies de laboratoire (STL) en poche, obtenu au lycée Paul-Eluard de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). L’option pourrait en tenter quelques-uns. « Mais non ! Nos parents nous ont mis trop la pression. On cherche une école », poursuit Marina, qui, avec Cheyenne, Rahyan et Alexis, a passé sa dernière année au lycée Cognacq-Jay d’Argenteuil (Val-d’Oise). C’est ensemble qu’ils ont obtenu leur bac action commerciale. Et ensemble qu’ils ont été éconduits par le système d’orientation.

Leur souhait : « Un BTS MUC [Management des unités commerciales], s’enthousiasme Rahyan, ou peut-être un BTS NRC [Négociation et relation client]. » C’est ce que la petite bande avait demandé parmi une douzaine de vœux déposés sur le système APB. Pas un n’a été retenu.

Débordé par l’afflux de 40 000 étudiants supplémentaires pour cette rentrée, APB a calé, livrant aux bacheliers les moins armés une fin de non-recevoir. Qu’ils aient obtenu un bac gestion, santé, action commerciale… Dina, Yacut, Wedji ont tous reçu la même réponse lors de la phase d’admission en juin comme lors de la procédure complémentaire qui se clôture fin septembre : « Pas de place. » « Nous ne sommes pas retenus dans les formations que nous demandons car des bacs S et ES, qui eux-mêmes n’ont pas été retenus dans des filières plus sélectives lors de leurs premiers vœux, se rabattent sur les filières courtes et sont sélectionnés, analyse Alexis. Nous, nous arrivons derrière et on a les miettes. Maintenant il n’y a plus de miettes. »

Dans les Salons de rentrée étudiante, il y a également ceux qui se sont vu attribuer une affectation improbable, éloignée ou déconnectée de l’orientation souhaitée. Maeva, 18 ans, a obtenu un bac sciences et technologies de la santé et du social (STSS) au lycée Rabelais à Paris (18e). APB lui propose de poursuivre en BTS à Coulommiers, en Seine-et-Marne, soit trois heures de transport quotidien. « Ce n’est pas gérable », a tranché sa mère.

Enfin, il y a ceux qui savent que le choix que l’algorithme a fait les conduit à l’échec. Sonya, 18 ans, a obtenu son bac sciences et technologies du management et de la gestion (STMG) au lycée Camille-Claudel de Pontault-Combault (Seine-et-Marne). Rencontrée samedi 9 septembre au Salon de l’étudiant de la rentrée, porte de Champerret, à Paris, elle ne cache pas sa colère : « En seconde, j’ai suivi l’avis de mes professeurs pour le choix de mon bac. J’ai logiquement demandé une inscription en BTS MUC et NRC. J’ai encore suivi leurs conseils en inscrivant parmi mes vœux une licence. Je n’ai pas eu de BTS, mais une place à la fac en langue étrangère appliquée (LEA) dont je n’ai jamais voulu. » Isabelle, sa maman BCBG, ne peut s’empêcher de lâcher : « Ce système est merdique. »

Wedji, 18 ans, bac STL à Saint-Denis, n’a obtenu aucun des BTS chimie qu’il a sollicités. Il est admis dans une fac de lettres. « On sait que cela ne va pas marcher », s’inquiète-t-il, plus clairvoyant que le système qui lui a fait cette offre. Difficile de s’étonner si le taux d’échec en première année de licence est abyssal : seuls 40,1 % des étudiants inscrits en licence passent en deuxième année.

Pour mettre fin à sa « galère », et en attendant un système d’orientation plus performant, son camarade de classe Iheb, qui rêvait d’une première année commune aux études de santé (Paces), mais a été affecté en géographie et aménagement, envisage de « faire une année sympathique. » Wedji sourit et corrige gentiment : « Sabbatique. Une année sabbatique. »