Le prince Moulay Hicham, cousin et opposant au roi du Maroc Mohammed VI à Casablanca le 17 septembre 2012. / REUTERS

Pourquoi et à la demande de qui ? Les motifs de l’expulsion de Tunisie du prince marocain Moulay Hicham, cousin du roi Mohammed VI et opposant au monarque, restaient, plusieurs jours après les faits, mystérieux. L’homme a été expulsé vendredi 8 septembre de Tunis par des policiers, sans qu’aucune explication ne lui ait été donnée.

Surnommé « le prince rouge » pour ses prises de position très critiques vis-à-vis de la monarchie marocaine, Moulay Hicham Al-Alaoui vit depuis 2002 aux Etats-Unis. En Tunisie, il devait participer, à l’ouverture dimanche du séminaire hébergé par un hôtel de Gammarth, à un panel de discussion sur le thème des « tendances démocratiques au Moyen-Orient ». Des intellectuels de renommée mondiale, tels Francis Fukuyama, Larry Diamond ou l’Irano-Américain Abbas Milani, figuraient parmi les autres invités de la rencontre.

La décision d’expulser le cousin du roi Mohammed VI a suscité maintes réactions de protestation en Tunisie. « Il s’agit d’un retour à l’autoritarisme, c’est une mauvaise journée pour la démocratie tunisienne », a commenté Houssem Aoudi, l’organisateur tunisien de l’événement, jeune entrepreneur affilié à l’université de Stanford. Le journal en ligne Le diplomate tunisien dénonce pour sa part une expulsion qui « ne peut servir notre image de pays respectueux des droits de l’homme ». Le gouvernement tunisien s’est bien gardé du moindre commentaire. « Je n’ai aucun élément sur cette affaire » a déclaré au Monde Limam Bouraoui, le directeur de la communication du ministère des affaires étrangères.

« Je craignais une manipulation »

« Aucune explication ne m’a été donnée », commentait de son côté au Monde Moulay Hicham. Lui explique être arrivé à Tunis vendredi en milieu de journée. Deux heures plus tard, alors qu’il se trouve à la piscine, cinq policiers en civil lui demandent de le suivre, évoquant un « problème de douane ». « Ne croyant pas à cette version, j’ai alors fait très attention à tout bien border, car je craignais une manipulation », explique-t-il. Il demande au directeur et sous-directeur de l’hôtel d’être présents lors de la fouille de sa chambre, exige d’être transporté à l’aéroport dans une voiture de police officielle et qu’un tampon d’expulsion soit apposé sur son passeport pour ne pas être accusé de fuir le pays. « Les policiers ont reconnu que je n’avais commis aucun délit. Ils m’ont juste dit qu’il s’agissait d’une décision de souveraineté”. » Interrogé sur les raisons de ce traitement, le prince Moulay Hicham répond ne pas vouloir spéculer : « Je n’ai pas de preuve et ne peux donc accuser personne, mais j’attends les explications des autorités tunisiennes. »

Les relations entre la Tunisie et le Maroc n’ont jamais été particulièrement denses, autant en matière économique que politique. Afin de ne pas froisser son voisin algérien, la Tunisie s’en est toujours tenue à une prudente équidistance entre Alger et Rabat sur le dossier très sensible du Sahara occidental. Cette posture de la neutralité avait même suscité des tensions lors de la visite en juin à Rabat du premier ministre tunisien Youssef Chahed. Ce dernier avait refusé de signer un document conjoint incluant le rappel de la position marocaine sur le Sahara occidental, un refus qui aurait expliqué, selon les analystes, l’absence de rencontre entre le roi Mohammed VI et M. Chahed. « On peut imaginer que la décision tunisienne d’expulser le prince a été prise sous pression de Rabat », commente un ancien ambassadeur s’exprimant sous le sceau de l’anonymat. Cette fois-ci, le Maroc disposait apparemment de plus solides arguments pour faire plier Tunis.