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Les chiffres ne pouvaient pas mieux tomber pour le gouvernement d’Emmanuel Macron. Lui qui mène, depuis le début de l’été, l’une des plus grandes réformes du droit du travail que le pays ait jamais connues, et qui fait face, mardi 12 septembre, à sa première manifestation d’envergure à l’appel de la CGT, peut compter sur un ciel économique dégagé. Et qu’importe s’il n’est pas de son fait, mais de celui de ses prédécesseurs. Tout est bon à prendre dans un contexte de défiance croissante et de sondages en berne. Selon les statistiques publiées par l’Insee, mardi, le nombre total de créations nettes d’emplois salariés a bondi de 81 400 au deuxième trimestre, fonction publique incluse. Soit une hausse de 0,3 %. Hors intérim, la hausse est de 58 200. Sur un an, le nombre de postes créés s’accroît donc de 303 500, dont 276 500 dans le privé.

L’industrie continue à détruire des emplois, mais à un rythme qui s’infléchit nettement après l’hémorragie des dernières années. Au deuxième trimestre, le secteur a supprimé 2 900 postes, après une destruction de 4 900 emplois les trois précédents. Sur un an, dans l’industrie, ce sont 13 500 postes qui ont disparu.

Reprise robuste

Plus encourageante est la conjoncture dans la construction. Surveillée de très près, car considérée comme un thermomètre fiable de la situation économique, la santé de ce secteur donne des signes de retour à une meilleure fortune. Après neuf ans de dégringolade, l’emploi est reparti à la hausse, signant un second trimestre d’affilée de progression, avec 4 800 créations de postes.

Cette fois, plus de doute. Il ne s’agit donc plus d’un simple frémissement ou de signes annonciateurs, mais bien d’une reprise robuste. Voilà en effet onze trimestres de suite que les créations d’emplois salariés sont en hausse. De son côté, la croissance, quasi nulle en 2012 et 2013 (respectivement 0,2 % et 0,6 %), puis décevante en 2014 (1 %), 2015 (1 %) et même en 2016 (1,1 %), semble aujourd’hui plus dynamique : le produit intérieur brut (PIB) a ainsi progressé de 0,5 % à chacun des trois derniers trimestres. Selon Mathieu Plane, économiste à l’OFCE, « en glissement, sur les quatre derniers trimestres, la croissance a même atteint 1,7 %, un chiffre suffisant pour faire baisser le chômage ». De fait, après avoir franchi la barre des 10 % en 2015, le taux de chômage est descendu à 9,5 % au deuxième trimestre de 2017.

Pour Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis, cette reprise est d’abord due à une situation macroéconomique globalement favorable. « Partout en Europe, les signaux sont au vert. Le prix favorable du pétrole, les taux bas et le dynamisme des émergents génèrent une dynamique vertueuse dans laquelle la France est emportée », analyse-t-il. Ainsi, les carnets de commandes se remplissent et les entreprises investissent. A cela s’ajoutent les politiques budgétaires du précédent gouvernement : « La montée en charge des dispositifs de baisses de charges mis en place par le précédent gouvernement comme le pacte de responsabilité et le CICE se fait aujourd’hui clairement sentir », explique Emmanuel Jessua, de COE-Rexecode.

« Dualité du marché du travail »

Retour de la croissance, créations d’emplois : voilà longtemps que l’économie tricolore ne s’était pas si bien portée. Peut-on pour autant crier victoire ? Pas encore, tempère Mathieu Plane. Car, selon lui, la France crée certes un nombre impressionnant de postes, mais dans quelles conditions ? « La qualité de l’emploi a clairement baissé, tranche-t-il, la reprise se fait grâce à des emplois temporaires là où elle devrait privilégier des postes durables. » A la fin de 2016, le taux d’emploi en CDD et en intérim avait atteint le niveau record de 7,8 %, soit un point de plus que lors de l’arrivée de François Hollande à l’Elysée. « La dualité du marché du travail, avec d’un côté les personnes en situation précaire et de l’autre des travailleurs en contrats stables, s’accentue », prévient le chercheur.

Yannick L’Horty, de l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée, remarque, pour sa part, que le nombre de chômeurs longue durée demeure élevé, « signe que ces créations d’emplois profitent surtout aux nouveaux entrants sur le marché, et non à ceux qui sont sans emploi depuis une longue période. D’où l’enjeu crucial des politiques de formation ». Il s’agit justement là du prochain chantier sur lequel est attendu le gouvernement, une fois sa réforme du code du travail achevée.