Eric Nunès - Le Monde

La scène se déroule au mois de septembre, sur la passerelle écarlate de l’Atrium café du campus de Jussieu, à Paris. Hugo, 20 ans, fait chauffer sa carte crédit. Avec des gestes lents, l’étudiant en master glisse, comme à regret, le petit rectangle de plastique dans le terminal bancaire de La Mutuelle des étudiants (LMDE). Même s’il ne souscrit pas à une complémentaire santé proposée par une mutuelle étudiante, il est obligé de s’inscrire à l’une d’elles pour bénéficier de la Sécurité sociale.

Pour une année d’affiliation, le jeune homme voit son compte débité de 217 euros. Mais tous les étudiants ne sont pas dans la même situation que lui : Emma, boursière, est exonérée de cotisation. Quant à Lydia, 23 ans, en master d’aéronautique, elle est dispensée de « Sécu » étudiante : en effet, son emploi à temps partiel lui permet de justifier de plus de 150 heures de travail rémunéré par trimestre et donc de bénéficier du régime de Sécurité sociale des salariés.

Dans l’actuel système de santé étudiante, les cas de non-affiliation sont nombreux : les enfants de fonctionnaire international (ONU) sont dispensés ; les enfants de cheminots peuvent également bénéficier du régime de Sécurité sociale de leurs parents ; si un étudiant ou une étudiante est marié, pacsé ou concubin, il peut être rattaché au système de Sécurité sociale de son conjoint.

Autres exceptions : les étudiants européens titulaires d’une assurance européenne, les titulaires d’une carte européenne d’assurance-maladie et les Français couverts par la sécurité sociale d’une organisation internationale. Enfin, ceux qui passent le cap des 28 ans n’ont pas l’obligation de demeurer au sein d’une sécu étudiante.

A ces nombreuses exceptions s’ajoutent les délais allongés : les étudiants qui bénéficient, grâce à leurs parents, des régimes spécifiques de l’Assemblée nationale, de la marine marchande ou du Port autonome de Bordeaux, peuvent attendre d’avoir vingt ans pour s’affilier à la « Sécu » étudiante. Soit une année de plus que ceux qui sont rattachés à l’un des régimes suivants : artisan, commerçant, profession libérale, militaire, EDF-GDF, RATP, clerc et employé de notaire, ou encore celui du Sénat.

Outre ces exemptions et délais supplémentaires d’affiliation, il existe des exonérations de cotisation. Ainsi, la « Sécu » étudiante est gratuite pour ceux qui fêteront leurs 19 ans, avant le 1er septembre 2018, ainsi que pour les boursiers.

Mettre fin à cette multitude de cas particuliers fait partie des projets du gouvernement pour la rentrée 2018. « Les étudiants pourraient bénéficier du régime général de la Sécurité sociale », a déclaré Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, cet été. L’une des pistes étudiées par l’exécutif est un rattachement gratuit pour les étudiants. Un cadeau estimé à 200 millions d’euros, qui mettrait un terme au maquis d’inégalités de l’affiliation à la Sécurité sociale étudiante.