L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Pour son dernier film, le cinéaste André ­Téchiné se penche sur un fait divers fascinant de l’entre-deux-guerres, révélé par les historiens Fabrice Virgili et Danièle Voldman dans La Garçonne et l’Assassin (Payot, 2011).

Paul Grappe (Pierre Deladonchamps), appelé de la première heure dans les tranchées de la Grande Guerre, ne supporte plus l’éclat des obus. C’est en déserteur qu’il revient à Paris auprès de son épouse, Louise (Céline Sallette), une couturière, qui le déguise en femme pour éviter les cancans du voisinage. Paul devient Suzanne, un personnage qui lui colle tellement à la peau qu’il traverse les années 1920 sous cette identité. Suzanne révèle Paul à lui-même, le jette dans une quête de nouveaux plaisirs, l’initie à la prostitution lors de virées nocturnes au bois de Boulogne, et redéfinit en profondeur ses relations de couple.

Lire la critique parue lors du Festival de Cannes : La triste complainte de Paul et Louise

Nos années folles sont porteuses d’un sujet fabuleux, furieusement romanesque, qui mêle l’évocation d’une période historique troublée aux vertiges de l’identité. Le film consiste surtout en l’étude d’un cas amoureux insolite : celui d’un couple qui contiendrait en lui-même un trio. Comment vivre à deux avec trois personnalités qui s’aiment différemment ? Une histoire schizophrène de désir, qui invoque certains grands motifs du cinéma de ­Téchiné (J’embrasse pas, 1991). De plus, le récit se double d’une dimension réflexive, amenée par l’univers du cabaret, où Paul ­rejoue, tous les soirs sur scène, une existence qui se confond avec les rouages du spectacle.

Reconstitution a minima

Téchiné en appelle alors au sou­venir de Lola Montès (1955), le chef-d’œuvre maudit de Max Ophüls, où la vie d’une courtisane se retrouvait ­exhibée dans l’arène d’un cirque. D’où vient que Nos années folles ne convainc finalement pas complètement ? Sans doute manque-t-il un parti pris de mise en scène aussi fort que le sujet. La piste du cabaret semblait inviter à un jeu autour de l’artifice, de l’illusion, des faux-semblants.

Or le film est la plupart du temps engoncé dans un « devoir de véracité » et une reconstitution a minima de l’époque, qui ne semblent pas intéresser Téchiné outre mesure. On attend donc en vain cette folie promise par le titre, qui eût sans doute offert une meilleure rampe de lancement vers la réalité d’un drame aussi peu croyable et foisonnant que celui-ci.

NOS ANNÉES FOLLES - Bande-annonce officielle (André Téchiné)
Durée : 01:10

Film français d’André Téchiné. Avec Pierre Deladonchamps, Céline Sallette (1 h 43). Sur le Web : www.arpselection.com/category/tous-nos-films/drame/nos-annees-folles-404.html