Jean-Luc Mélenchon, à Marseille, le 12 septembre. / Claude Paris / AP

Le minutage a été soigneusement préparé. Le cortège marseillais n’a démarré qu’une fois que Jean-Luc Mélenchon a serré la main des organisateurs derrière la banderole de tête. L’occasion pour le président du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale de souligner que « l’action syndicale permet une mobilisation des esprits en profondeur ».

Dans une cohue indescriptible, entre journalistes et manifestants en quête d’un selfie ou d’une accolade, sur la Canebière, M. Mélenchon a juré de « faire reculer » Emmanuel Macron. « Il peut, il doit reculer (...). Ce n’est pas un test pour nous, c’est un test pour lui et nous ne sommes pas en train de faire des barouds d’honneur. » Selon M. Mélenchon, la première journée de mobilisation contre les ordonnances réformant le code du travail n’est que le début d’« un bras de fer. C’est un moment important de l’histoire de France parce que la démolition du code du travail, c’est un peu de notre histoire sociale que le président de la République veut faire basculer. »

Au cortège parisien, Jean-Luc Mélenchon avait préféré Marseille, sa circonscription et le Vieux-Port qu’elle englobe, où il s’est dit « comme un poisson dans l’eau ». Un choix que n’ont pas commenté les organisateurs, notant seulement que « tout ce qui contribue à élever le mouvement social est bon. Tout le monde est dans son rôle ». Selon la CGT, 60 000 personnes ont défilé dans les rues de Marseille tandis que la préfecture de police a annoncé 7 500 manifestants. Une guerre des chiffres qu’a refusé de commenter Olivier Mateu, secrétaire général de l’Union départementale des Bouches-du-Rhône : « On laisse la préfecture à son comptage bidon et à son déni. Qu’ils ouvrent le Stade-Vélodrome et ils verront bien qu’on est réellement 60 000. »

Avec un cortège s’étirant sur un kilomètre et demi, Marseille a conforté son image de place forte sociale. Pour y parvenir, la CGT a mobilisé ses traditionnels bataillons : dockers et agents du Grand Port maritime de Marseille, chimie, sidérurgie, cheminots, agents hospitaliers, la FSU apportant ses effectifs du monde enseignant.

Dans les rangs, le mot du jour était celui de « fainéant », chanté, dansé ou inscrit sur les pancartes. A chacun sa motivation pour défiler. Comme ce chauffeur de bus en gilet rouge : « A la Régie des transports marseillais, on est très inquiet sur les CDI de chantier car, la plupart du temps, les CDD de six mois aboutissent à des CDI. Avec la réforme on aura des CDI intermittents. »

« Tout le monde est mobilisé face à l’arrogance de M. Macron »

Même préoccupation chez ce technicien de Capgemini, un groupe de services informatiques qui emploie 500 personnes dans les Bouches-du-Rhône. « On travaille en mission et, avec le contrat de chantier, à 45 ans, ça risque d’être Pôle emploi puisque, dans l’informatique, on est considéré comme des seniors. » Les jeunes, eux, sont peu nombreux. « Pas facile quand on sort du lycée et qu’on arrive dans l’enseignement supérieur de sécher la première semaine de cours », explique Louis, 25 ans, militant UNEF en master de physique.

Derrière une banderole rouge – « Chauds les Macrons » – et une noire – « Nous ferons finir les mauvais jours » –, 500 personnes, libertaires, antifascistes, quelques-unes cagoulées précédent le cortège de la CGT, tenu à distance par un service d’ordre syndical sur les dents. Mais, à l’exception d’une tentative de feu de poubelles, d’un vis-à-vis avec des CRS, la manifestation marseillaise n’a connu aucun incident.

Marion, 45 ans, salariée dans la fonction publique territoriale et syndiquée CGT répondra présente le 21 septembre, deuxième jour de mobilisation. Elle espère que d’autres syndicats rejoindront le mouvement : « FO n’est pas là à cause de ses problèmes internes, mais tout le monde est mobilisé face à l’arrogance de M. Macron. » La marée de bannières de la CGT passe, sans un sifflet, devant l’union départementale Force ouvrière. Sur le trottoir, trois militants arborent leur badge FO. Ni dans la manifestation ni en dehors, ils assurent respecter les consignes de leur confédération. Ils se font sibyllins : « Rien n’est figé, il n’y a pas de produit chimiquement pur. »